Rencontre enchantée

Dans ma lancée, je cru un bref instant que je ne parviendrai pas à atteindre ma cible, or, ce fut tout le contraire. Avec une certaine rapidité mais tout en veillant à rester léger dans ma démarche pour ne pas blesser Warui, j'attrapai cette dernière. "Attraper" n'était peut-être pas le terme le plus adapté à l'heure actuelle, pour le coup, je penchais davantage sur le fait que la demoiselle avait probablement plutôt du tomber pile lorsque mes bras vinrent la ceuillir dans sa malencontreuse chute. Mais le résultat en restait inchangé. Je la soulevai de terre tandis qu'elle s'évertuait à me donner quelques petits coups de pattes frustrés et la passai par dessus mon épaule avant de tourner sur moi-même et de sautiller pour la secouer gentillement.

- Je n'ai pas très bien entendu, mademoiselle Sytha ? La danse de vos ancêtres ? Nous pourrions y ajouter quelques pas supplémentaires, qu'en dites-vous ?

Oui je m'amusais à la taquiner. Mais bon, nous étions à une période de nos vies qui allait vite passer. Autant faire les enfants le temps ou nous en avions encore l'occasion. Toujours avec la petite peluche sur les épaules, je m'arrêtai un instant, pointant un doigt dans la direction de Shel, toujours occupé à chercher la lame qui lui conviendrait le mieux pour l'entrainement. On pouvait dire qu'il y mettait du coeur et de l'acharnement. Souriant mais le regard pleins de défis, je pris un faux ton solennel.

- Shel Targavin ! Je vous mets au défis de venir sauver la dame de la terrible et non moins redoutable "Grande Nunuche" !

Je regarde tout autour de moi ; Zima n'est plus là. Je n'ai même pas vu quand ma søster est partie. Je suis très loin de m'en alarmer : c'est la guerre, le sang et le combat qui m'appellent ! C'est mon devoir envers cette patrie, c'est l'honneur de celle qui dirigera ce bout de pays ! Et c'est l'ennemi lui-même qui me défie. Ni une, ni deux, et c'en est fini d'hésiter devant laquelle de Sol ou de Mani je vais brandir pendant la bataille. Gersemi est dans ses bras, et un peu sur son épaule, et un peu dans le vide aussi ; ses pattes se balancent partout où elle peut les envoyer ; elle se débat. Je m'arme des deux lames et cours droit vers l'adversaire et son otage, et crie :

« Pour la gloire ! »

Même si je ne dois pas vraiment la rayonner, vu comme je tangue un peu de côté sous le poids des deux épées.

C'est ainsi que la guerre fut déclarée entre nos deux patries. L'armée nous faisant face semblait plus qu'impatiente de nous faire gouter une défite cuisante. C'était sans compter sur l'entrain de leur adversaire ! Eh oui cher Targavin !

- Je ne peux vous retirer cette passion et cette ardeur qui vous animent. Je reculais légèrement, me préparant à recevoir l'aassaut, tout sourire et sans perdre mon air de défis (et toujours en tenant fermement la petite Warui pour ne pas qu'elle chute de mon épaule). Mais vous semblez me sous-estimer jeune soldat ! Une fois assez proche de moi, je fis un pas sur le côté, le laissant poursuivre sa course tout droit tandis qu'il ne me frôlait que légèrement le poil. Trop... PREVISIBLE !

Je passai plus correctement la jeune Sytha par dessus mes épaules, lui indiquant de s'accrocher solidement à mon dos. Une fois sûr qu'elle était bien installée, je feignis d'être blessé, me tenant le ventre et posant un genou à terre.

- Touché ? Comment diable... Je tombai en avant, inerte. Accrochez-vous, Warui. Je vous avez promis de vous montrer. Je chuchotai à l'adresse de la demoiselle toujours sur mon dos, feignant toujours la mort. PHASE 2 ! M'exclamai-je en commençant à utiliser mon talent spécial.

Mes membres s'épaissirent lentement, mes poils s'allongèrent, virant au blanc neige, mon museau s'allongea et le reste de mon corps pris en robustesse. Je préférais faire cela lentement bien que me demandant plus d'énergie, mais je voulais pas effrayer outre mesure le pauvre Targavin, et je voulais aussi laisser le temps à la jeune Sytha de prendre sa place sur l'encolure de l'ours qu'elle sembalit avoir particulièrement attendu.

J'avance, je cours, je cours moins vite, puis encore un peu moins ; la pointe va vers le bas, finit par gratter le pavé. On entend un peu crisser les épées, mais je relève les bras chaque fois que ça arrive ; elles commencent à être lourdes, et à tanguer à droite, et à gauche. J'ai mes mains qui ne veulent pas tenir en place, et elles font beaucoup de moulinets quand j'arrive au corps à corps, d'abord au galop, puis au petit trot. Même si j'ai l'impression d'avoir deux pieds gauches au lieu des mains, je crois bien avoir touché ! Sans faire exprès … : la Grande Nunuche s'est repliée, recroquevillée sous le coup. J'y crois tout le temps du rôle qu'il joue, et tous ses musclesqui commencent à jouer sous sa peau ne m'en font pas démordre : il faut que je le vois bien devenir blanc, lentement, avant de comprendre. Je recule, dépose les armes près du banc … avant de pousser autant que je le peux sur mes jambes vers l'ours.

« LA GLOIRE ! » que je répète à pleins poumons !

Bien que déjà imposant de part sa taille lorsqu'il était sous sa forme originel, Leif se sentait investi en cet instant d'une force et d'une robustesse à toute épreuve. Il avait toujours conscience de sa présence en ce corps qui restait le sien mais n'était plus tout à fait le même. Cependant, il fallait s'adapter: la vision n'était plus la même, les sensations un brin différentes, il devait aussi modifier son maintient et utiliser des muscles dont il n'avait pas l'habitude. Mais avec l'entrainement dont il avait eu droit, tous ces détails devenaient de plus en plus simple et rapide. Ce fut d'ailleurs grâce à cela qu'il pu rapidement se redresser fièrement, soulevant une Warui qui semblait véritablement aux anges, et l'image était encore faible. Ses yeux noirs de jais se posèrent sur la peluche blanche, Shasta, qui, visiblement savait prendre son courage à deux mains ! Il ne paraissait pas impressioné le moins du monde par cette métamorphose. Alistair reposa ses deux pattes avant fermement sur le sol, avant de se pencher en avant, s'attirant et baillant tout en secouant son fessier avant se s'élancer à la suite du Targavin en se redressant sur les pattes arrières (doucement tout de même pour que la jeune Sytha ne glisse pas le long de son dos). La démarche était loin d'être gracieuse. Une fois à proximité du valeureux guerrier, il écarta bien largement ses bras d'ours, prêt à acceuillir le jeune garçon par une étreinte toute douce. On allait forcer un peu la paix entre ces deux là.

La minuscule boule de poils blanche ne pouvait éviter éternellement son destin. Si doux et câlin, si amical et enfantin. L'ours Alistair poursuivait sa chasse de sa démarche pataude et trémoussante. La proie voulait fuir, tombait et se débattre en vain. Se fut la dernière chute qui lui fut fatale. Deux énormes pattes se refermèrent sur lui, l'étouffant dans une étreinte d'autant plus forte que la jeune demoiselle qui était encore sur le dos de l'animal, descendit à son tour pour se joindre à eux.
Leif s'amusa quelque temps, les calinant et les léchouillant tour à tour avant de reprendre finalement sa former originelle par une autre métamorphose.

L'effet m'était toujours aussi étrange. Ce n'était pas douloureux, loin de là mais... vraiment bizarre, indescriptible tant que nous ne l'avions pas vécu. Mes os s'affinèrent, mon petit bout de queue s'allongea et se scinda en deux, ma fourrure reprit sa teinte grise et retrouva de sa douceur, mes cheveux... oui. Ok. Bon. Oublions ce détail. Je m'ébrouai légèrement, replaquant mes pires ennemis en arrière. J'haletais aussi, devant reprendre mon souffle: c'était que je n'étais pas un magicien aguéri. Me relevant, j'ébouriffai les tignasses respectives d'un Shel véxé et d'une Warui qui semblait aux anges.

- Promesse tenue ! Bon, j'ai un peu triché. On avait dit pas de magie. Shel a gagné ! Je lançai un regard amusé en direction de l'interréssé, il était rigolo ce petit farid bougon. Bon, je crois devoir vous remettre votre prix, mademoiselle Sytha. Un tel combat mérite un présent.

Le gros ours, plus Warui, plus moi … tout ça doit faire une très grosse boule de poils blancs quand je sens plein de bras larges et petits se serrer autour de moi. Mais si de dehors on forme un petit groupe très clair, peut-être même lumineux, d'où je suis il fait bien noir, chaud, mou, et ça me chatouille la truffe. Je fais l'erreur d'ouvrir la bouche pour me plaindre un peu et me retrouve à mâchonner une touffe de poils bizarrement graisseux. À la fin, je dois avoir l'air aussi bien coiffé que l'autre nunuche, vus les coups de langues dont il nous a généreusement gratifiés. Je me débats encore un peu, en leur grommelant d'arrêter (je suis un guerrier, bon sang!) et suis à peu près assez trempé pour ne même pas avoir à broncher pour ce que les babines du Barengari nous envoient après qu'il se soit ébroué. C'est vite mon tour, et j'essaie de débarrasser des deux mains tous les souvenirs qu'il m'a laissé sur la figure et dans les cheveux. Je trottine après lui, bien décidé à en découdre pour cette vilaine humiliation … jusqu'à ce que mes oreilles réagissent à un mot magique :

« Un présent ? Je peux voir, dites ? Je peux ? »

La jeune promise avait eu la réaction que j'avais éspéré. De plus, mon offre semblait aussi avoir attisé les curiosité du petit Targavin qui ne paraissait pas se satisfare de sa victoire. Un futur guerrier aguéri. Je retenais qu'il n'avait pas frémis ou bougé ne serait-ce que l'ombre d'une moustache à la vue d'un ours lui fonçat droit dessus. Il avait un certain potentiel que je ne manquerai pa de tenter d'exercer.

Asta était retournée auprès de Rhyas. Toutes deux avaient veillez sur nous du coin de l'oeil pendant l'entrainement qui avait tourné en jeux bon enfant vers la fin. La Jarl et le Thane avaient aussi joué le rôle du public et n'avaient pas manqué de verser quelques regards attendris en directions de leur fille. J'invitai les deux faryd blancs à me suivre en direction des bancs, là ou ma sacoche contenant le paquet destiné à Warui reposait et attendait d'être ouvert depuis bon nombre de jour maintenant.

J'attrapai le dit sac, extirpant en douceur le linge servant à camoufler mais surtout, protéger, l'objet. J'avais eu beaucoup de peine à réunir l'argent nécessaire pour lui faire fabriquer. En même temps, j'avais une idée bien précise de ce que je voulais. Cette dernière m'était venue de part l'image que je me faiait de la jeune Sytha lors de notre correspondance mais aussi des diverses informations que j'étais parvenu à réunir (aussi grâce à ma Laerer qui n'avait pas manqué une occasion pour me soutenir dans ce projet). Mais non seulement j'avais exactement ce que je voulais mais l'expérience que j'en avais retiré était plus qu'appréciable.

- Pour vous, ma dame.

Je lui tendis, un brin nerveux, je devai bien l'admettre. J'éspérais vraiment, du plus profond de mon âme, que cela allait lui être utile.

Ouvrir:

- Vos sorts seront d'autant plus puissants que vous aurez plus de facilité pour les guider. Ca va demander de la concentration et de l'entrainement mais vous en êtes largement capable. J'avais les oreilles un peu basse, attendant sa réaction, quand quelque chose me revint à l'esprit. Ah ! Si vous la retourné, le nom est aussi gravé en noir sur le pommeau. "Morkember", la Sombre braise, image de ses flammes aux teintes plus noires que l'ébène.

« Allez, s'il vous plaît ! » que je me mets à supplier, « je veux voir, moi aussi ! »

Je sautille sur place, puis autour d'eux, en essayant de grappiller une petite image du cadeau, l'entrevoir rien qu'un peu, en apercevoir rien qu'un bout : ça me suffirait ! Mais s'il vous plaît : je veux voir ! Ça fait des reflets sur leurs visages quand c'est finalement débarrassé de son emballage, un tissu qui moire un peu lui aussi. Qu'est-ce qui pourrait bien miroiter comme ça ? Un miroir ? C'est ce que c'est ?

« C'est quoi, dites ! »

Mais je dois vite reculer, parce que Warui se précipite dans les bras du Berengari à presque le renverser par terre … ce qui ne m'empêche pas de continuer à courir autour d'eaux après, en répétant à toute vitesse « ditesditesditesdites » !

A vrai dire, je n'aurais pu éspérer une meilleure réaction de la part de la jeune héritière. Un poids venait de m'être enlevé: le cadeau lui avait plu et j'en étais ravi au plus au point. Sur le coup, j'avais eu quelques réticences quant à cette idée. En effet, une arme mêlant magie runique et combat approché n'était pas forcément intéréssante pour tout le monde. Je posai une patte rassurante sur le dessus de la tête de Warui.

- Je suis vraiment content que cela vous plaise. Un petit coup d'oeil en direction du deuxième farid blanc sautillant partout d'excitation et de curiosité me fit sourire. Je pense qu'il a aussi mérité de voir de plus près le présent que je viens de vous faire, qu'en pensez-vous mademoiselle Sytha ? Si nous le faisons patienter plus longtemps il risquerait de vous trouer le planché. Ou le plafond, c'est selon.

Les premières rencontres avaient été réalisées. Mais qui disait "premières rencontres" finissait aussi et inévitablement par suggérer l'existence des premiers adieux. Bien que ceux-ci n'allaient être que de simples "au revoir", il n'en demeurait pas moins que dès la veille de notre départ avec ma Laerer, un poids immense me pesait dans le coeur. J'avais, au cours de ce voyage, tissé des liens auprès d'une famille au sein de laquelle j'allais bientôt devenir l'un des membres. Les Sytha ne m'avaient pas déçu, loin de la. J'avais été particulièrement touché par leur gentillesse, l'accueil incroyable qu'ils m'avaient offert et l'attention qu'ils portaient à chaque individus composant leur peuple. Ils m'avaient offert plus que ce que j'aurais pu éspérer, mes attentes avaient été dépassées et mes inquiètudes éffacées comme poudre au vent. Je me sentais bien, chez moi.
Mon cadeau avait fait pétiller les yeux de Warui et j'en été ravi. Nous avions passé des moments qui resteraient à jamais gravés ma mémoire. Des instants qui, à l'image de notre correspondance, étaient à nous deux et même au-delà: Shel, Zima, Elleira, Rhyas, Asta, Surric,... nous formions une communauté soudée, forte.
Asta et moi refermions nos derniers sacs, les passant par dessus nos épaules avant d'aller les accrocher solidement à la selle de nos montures respectives. Les gardes qui nous avaient accompagné étaient de nouveau auprès de nous. J'étais curieux de savoir de quelle manière ils avaient passé le temps lors de ce séjour. Les activités ne devaient pas manquer à Alserd. Quoi qu'il en soit, il était grand temps de saluer mes hôtes. Révérences, moultes remerciements, sourires cachant avec difficultés la tristesse qui me torturait l'esprit.,... Promesses. Promesses d'une nouvelle visite et de courrier à venir afin de compléter les lettres déjà échangées.

- Je ne vous serais jamais assez reconnaissant pour tout ce que vous avez fait pour nous. Vous formez une famille formidable, les Sytha. Merci pour tout. Je regardai chaque membre composant la fratrie, les gratifiant chacun leur tour d'un geste de la tête et d'une poignée de main ferme et assurée. Une fois devant Warui, je souris de plus belle. Je reviendrai bientôt, une vengeance m'attends après l'entrainement d'hier. Fis-je en glissant un coup d'oeil au petit Targavin, légèrement amusé. J'espère avoir l'occasion un jour de vous faire visiter la région ou résident mes racines, ma dame. Dans tous les cas, je reviendrai bientôt. En prévenant à l'avance de ma visite cette fois. Ajoutai-je les oreilles basses, un peu gêné. Continuez à vous entraîner comme vous le faites, vous ne manquez pas de talent et de potentiel, Warui. Encore merci pour tout.

Dernière courbette de salutation et je montai sur la selle de ma monture. C'est ainsi que je fis mon départ de Woktal pour m'en retourner chez moi. Ce fut une belle expérience. Et je promettais de faire tout mon possible et de donner le meilleur de moi-même afin de porter la famille Sytha sur un pied d'éstale digne de leur grandeur. Plus qu'une promesse, il s'agissait d'un engagement.