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 Un loup solitaire [Libre]

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Cirrus
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MessageSujet: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyMer 19 Juil - 6:21

Les rayons du soleil transperçaient les feuillages et projetaient des tâches de lumière sur le sol. Le vent matinal caressait la végétation qui suait de rosée. Les oiseaux jacassaient et avaient réveillé un loup blanc allongé dans les hautes herbes. Agacée, la bête grogna et s'étira avant de se redresser. Elle s'ébroua, chassant l'humidité qui s'était déposée sur ses poils durant la nuit.

Cirrus n'avait pas quitté sa forme de loup depuis deux jours. Depuis que des humains l'avaient traqué à cause de ses origines syabiennes. Il les avait semés grâce à cette apparence animale et ne s'était pas changé. Il était en sécurité mais savait que cela n'allait pas durer. En loup blanc, il était une curiosité, même dans cette forêt où foisonnaient de nombreuses espèces. Des chasseurs pourraient très bien être à ses trousses pour obtenir sa fourrure blanche.

Cirrus s'avança avec paresse vers le ruisseau qui serpentait devant lui. Il y plongea son museau et but une gorgée. L'eau glaça son cerveau et une agréable fraîcheur s'écoula dans son corps. Il aimait être un animal et se comporter comme tel. Sous cette forme, il oubliait qui il était. Sa vie de Farïd n'était qu'un lointain cauchemar et il prenait un nouveau chemin. Il pourrait vivre ainsi jusqu'à sa mort mais son cœur se tournait toujours vers Ciel. Sa sœur n'avait plus donné signe de vie depuis trois semaines. Il commençait à croire qu'un malheur lui était arrivé. D'habitude, leurs colères se calmaient facilement et elle serait revenue vers lui. Même si leur dernière dispute avait été la plus grosse de leur vie, Cirrus refusait de croire qu'elle l'avait trahi.

Une branche se brisa et Cirrus releva subitement la tête. Ses oreilles tournèrent jusqu'à percevoir la source du bruit. Derrière des buissons se tenait un inconnu. Le loup blanc s'avança vers lui, les crocs découverts. Il n'était pas d'humeur à être dérangé.
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Fai Ghiaccio
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyLun 2 Oct - 10:25

L'été touche à sa fin : des feuilles tombent en dansant dans de grandes flaques de soleil, par terre. Certaines croustillent sous mes pieds quand je les pose dessus. J'ai bien serré ma pèlerine ; j'y suis au chaud. J'ai un peu de temps devant moi, et plein de chemins sur lesquels m'engager. Je ne jette même pas un regard en arrière : entendre les éclats de voix petit à petit se faire étouffer par la végétation et les chants acidulés des oiseaux me fait bien plaisir – bien plus en tout cas que de devoir réentendre les mêmes disputes jamais réglées. De toutes façons, je ne me perdrai pas : je ne fais que ramasser les lièvres qui se sont pris dans nos pièges (et une marmotte, aussi, curieusement) ; je reviendrai vite auprès de tout le monde, en espérant qu'ils se soient calmés, et je leur montrerai ma belle collecte pour illustrer tout ce qu'on peut faire le temps d'une engueulade. Trois animaux se retrouvent accrochés à ma ceinture ; j'espère en trouver plus – pour que la leçon ait plus d'impact, d'abord, mais aussi parce que je voulais qu'on passe par un petit village hyii pour les offrir. Je m'aventure, en sautant d'une mare de soleil à la suivante, jusqu'à entendre le ruisseau. Je sais qu'un piège y a été posé, mais où plus exactement … il va falloir que je cherche attentivement et que je fouille le sol, bien en alerte. Je commence à voir des feuilles et de la terre dérangées, et un peu plus loin : un lapin qui n'attendait que moi. Navrée, petit bout, mais ce soir tu seras baptisé Civet et oint avec du thym. Le soleil vient jouer dans la lame de mon couteau de poche et je dois en dévier les yeux. Mon corps réagit avant que je ne comprenne ce que je vois : immobile, figée au milieu d'un pas, je me retrouve à fixer une grande forme blanche aux mouvements lents. Je ne pense même pas à crier ; je sais ce que c'est, mais je suis frappée et fascinée par l'étrangeté de ce que je vois.

Un loup.

Blanc et immaculé, qui plonge sa gueule dans l'eau claire. J'ai de la chance de ne pas être sous le vent : normalement, les loups n'attaquent pas les humains, mais je suis tout près … et normalement, les loups vont en meute. Celui-ci est seul, j'ai l'impression ; en plus, blanc, c'est pas très commun sous ces latitudes comme couleur. Je pense que je peux revenir à Civet tranquillement … Allons, viens ici, petit lapin …

Je perds l'équilibre ; je me suis retournée trop brusquement, et je ne tenais plus que sur un pied ; une sensation de vide se fait dans mon ventre ; j'ai été stupide, c'est moi qui vais finir en civet, frottée avec du romarin, mangée encore vivante ! Les loups laissent de grosses traces de morsures : leur mâchoire est forte. Il va sûrement falloir me recoudre. J'ai très peur de tourner la tête et de le voir tout près. Je suis incapable de parler : l'air s'est bloqué dans ma gorge. Je tente un coup d'œil vers l'animal, et mon ventre se détend un peu : ça va aller – enfin, c'est relatif, mais il est plus loin que ce à quoi je m'attendais. Ça m'aide à reprendre suffisamment de contrôle sur moi-même pour réfléchir à ce que je dois faire. Je me relève, et énumère mentalement : déjà, ne pas fuir. Si je cours, il va démarrer au quart de tour, et bonjour le civet de Fai. Ne pas le quitter des yeux, et reculer doucement : je vais lui rendre son espace. Ça sera déjà ça. Je l'entends grogner … Dire que personne n'est à portée de voix ! La viande encore molle qui pend à ma ceinture me paraît très lourde, soudain ; je pourrais la faire rouler un peu plus loin pour le distraire et me laisser le temps de rejoindre la route … mais elle n'est pas pour moi, cette viande, et je n'ai aucune garantie sur l'efficacité du sacrifice. Ma main triture la boucle qui retient le gibier à ma ceinture.
    « Il manquerait plus que tu sentes la peur … ça serait le bouquet … » ronchonné-je sans grande conviction à l'animal. Puis, sur un ton plus apaisant : « Je m'éloigne. Je ne te dérange pas plus. »
J'hésite vraiment à lui montrer la nourriture que j'ai sur moi : je crains que ça ne l'encourage plutôt à venir la chercher lui-même.
    « Dis-moi que tu viens d'un cirque et que tu comprends quand on te dis mangerManger, manger, tu veux manger ? Tu as faim ? J'ai quelque chose de meilleur qu'une petite fille, si tu es gentil. Tu es tout beau, alors tu vas bien être aussi gentil, d'accord ? »
J'ai pris ma décision ; un peu à contre-cœur, mais je ne croule pas vraiment sous les possibilités. Je ne vais pas lui jeter la nourriture, mais la faire rouler en direction du piège, en continuant de m'éloigner.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyMar 3 Oct - 11:41

Cirrus s'attendait à rencontrer n'importe qui. Toujours grognant, il guettait les buissons, prêt à intimider l'inconnu qui osait le déranger. Un chasseur devait l'épier, l'arme pointée sur son cœur. Une petite forme sortit des buissons.

Une enfant. Une petite humaine.

Les grognements de Cirrus s'assourdirent. La petit fille était bien sûr effrayée face à cet immense loup qui pouvait la croquer d'un coup de dents. Il ne supportait pas sa mine terrifiée. Depuis son exil, il ne souhaitait plus faire de mal à un enfant. D'ailleurs, il espérait toujours ne pas en croiser un. Mais la vie aimait tellement se moquer de lui.

Cirrus avait cessé de grogner. La petite humaine le prenait pour un animal, signe qu'il s'était amélioré dans sa métamorphose. Depuis qu'il errait dans ces forêts, il adoptait souvent cette forme pour être en paix avec lui-même. La fillette lui demanda s'il avait l'intention de la manger, elle ou le lapin qu'elle avait capturé. Sa réaction fit rire intérieurement Cirrus. Il se sentit sourire et pensa à quoi pouvait ressembler un loup qui sourit. Mais son enthousiasme disparut quand il comprit à qui il avait à faire. Cette enfant avait des proies accrochées à sa ceinture. C'était sans aucun doute une apprentie chasseuse et ses parents ne devaient pas être loin. S'ils voyaient à quel animal leur fille parlait, ils allaient tomber sur un parfait butin.

- Ça ira, répondit-il d'une voix rauque, je préfère chasser ma nourriture seule.

Sans prévenir, il se changea. La fillette semblait rapetisser à vue d’œil alors qu'il se dressait sur ses deux pattes. Elle se retrouva face à un Farÿd blanc aux yeux bleus et gelés dans une expression désabusée.

- Tes parents n'auront que des lapins, aujourd'hui. S'ils avaient été là plus tôt, ils auraient pu me dépecer. J'ignore à quel prix vous auriez pu vendre une peau de Farïd.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyMar 3 Oct - 22:22

Les muscles de l'animal se détendent, on dirait ; il quitte sa position menaçante très progressivement. J'ai l'impression qu'il me toise … comme je ne suis ni très haute, ni très épaisse, il a dû se dire que je ne vaux même pas l'effort d'être mangée – je ne vais pas me vexer, je préfère de très loin qu'il me voit comme quelque chose de négligeable plutôt que comme une menace ou un petit déjeuner. Je pousse presque un soupir de soulagement quand je vois qu'il accorde la même attention à mon gibier ; je dis bien « presque », parce qu'après avoir plissé sa figure, le loup a appuyé ses regards par une réponse un peu sèche. Avec des mots. Qui sortaient de sa mâchoire. Et qui décrochent la mienne, par la même occasion. Je viens d'entrer dans une fable ; les animaux parlent ! Est-ce que je me suis cogné la tête ? Maintenant que j'y réfléchis, on ne m'a jamais dit que les loups ne parlaient pas, je l'ai juste déduis parce que je n'ai jamais entendu d'animaux parler … mais moi qui trouvais qu'un loup blanc dans cette forêt ça sortait de l'ordinaire, un loup blanc qui parle et qui refuse du gibier en argumentant, je ne pense pas que ça se voit même ailleurs sur Feia !
    « C'est toi qui as parlé ? »
Je ne sais même pas si les mots ont réussi à sortir de ma gorge avant de devenir un pépiement éraillé devant la métamorphose : la bête s'est dressée sur ses pattes arrières, et l'instant d'après, un farïd a pris sa place. Il ne vient peut-être pas d'un cirque, mais je crois qu'il connaît « manger », du coup … je ne sors pas d'un décor de conte pour autant : les transformations sont si courantes dans les histoires. Ce qui me ramène à moi, c'est sa petite remarque qui m'arrache une grimace de dégoût.
    « C'est du marché très noir, ça … on est dans l'Empire, pas dans l'Archipel. D'ailleurs, si près de la frontière hyii, attraper un lapin c'est déjà du braconnage. Sauf pour les Louvetiers. J'imagine pas devoir se traîner un truc plus gros. »
Je braque mes yeux dans les siens. Esprit de la forêt ou non, il pourrait être l'Empereur en personne que je m'en moquerais s'il était sérieux dans ce que je crois bien qu'il a sous-entendu. Je ravale mes questions pour plus tard ; je suis vexée, au garde-à-vous, et je sens que le sang me brûle les joues.
    « Si vous en doutez, venez. Regardez, juste là. » je lui dis en retournant d'un pas raide à Civet. « Rien qui puisse attraper un loup. Encore moins un farïd. Juste des lapins. Et une marmotte de passage. (je me retourne d'un bloc vers lui : ) Si vous avez eu des problèmes avec les Lieutenants en station ici, vous devriez me le dire ! Cette zone doit rester sûre pour les marchands, et les pommes pourries qui profitent de leur position pourraient salir la guilde ! »
Mon petit discours fait, je sens mes épaules se détendre un peu. Ma curiosité revient dans une charge redoublée, et je ne peux pas m'empêcher de reprendre les couleurs que je viens tout juste de perdre quand j'essaie de demander, d'une toute petite voix que je pousse difficilement hors de ma gorge :
    « Euh … Monsieur, je voulais vous demander … c'est peut-être indiscret, mais je n'ai jamais parlé à un farïd … J'en ai déjà vu, oui ! Mais … comment vous faites pour vous transformer avec vos vêtements ? Et vous savez tous, faire ça ? Vous transformer, comme ça ? »
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyMer 4 Oct - 12:05

Ah ! Il avait oublié que ce loup n'était pas sa vraie forme ! La fillette était si surprise de l'entendre parler qu'il avait envie de rire. Quand il se métamorphosa, son étonnement grandit au fur et à mesure que Cirrus se levait sur ses pattes. Pendant une seconde, il semblait ne plus savoir marcher comme un bipède. Ses deux queues s'agitèrent pour lui donner de l'équilibre.

De ce qui disait la gamine, Cirrus comprit qu'elle appartenait à l'Empire et non à l'Archipel de Tharen, ce qui était une bonne nouvelle, vu le racisme omniprésent. Combien de fois l'avait-on chassé ou provoqué à cause de ses origines ? Il ne comptait même plus. L'autre information que lui donna la fillette, c'était qu'elle était fille de Louvetiers. Et bien, en voilà de beaux privilèges !

Cirrus crut avoir un autre être qu'une petite humaine devant les yeux. Les enfants de l'Empire, comme tous petits de l'Homme, étaient peureux et surprotégés par leurs parents. Là, il était face à une fillette qui ne se laissait pas impressionner. N'importe quelle humaine de son âge aurait détallé en hurlant sous le fusil de son père. Du moins, c'était ce qu'on lui avait dit. Visiblement, sa remarque l'avait vexée.

- Oh ! Non, je n'ai eu aucun problème, assura-t-il avec douceur, c'est juste qu'on ne sait jamais sur qui on peut tomber. Je m'excuse de t'avoir pris pour ce que tu n'es pas.

La petite se détendit et se comporta comme une enfant. Cirrus ne savait pas si c'était bon pour lui. Les enfants le mettaient parfois mal à l'aise et il s'efforçait d'oublier qu'il avait du jeune sang sur les mains. Ses cousins devaient avoir le même âge qu'elle. Alors qu'il se perdait dans ses sombres souvenirs, la fillette lui posa une question sur les liens entre son espèce et la magie.

- Non, pas tous, répondit-il, amusé, nous sommes de grands adeptes de la magie, nous les Farÿd mais tous ne savent pas se métamorphoser. Et d'ailleurs, quand on est changé en animal, il est important de garder en tête ses vêtements quand on doit reprendre notre apparence originale. Il m'a fallu un bon entraînement pour savoir faire ça. Désormais, c'est devenu automatique.

Cirrus contempla la gamine. Malgré ses errances dans l'Empire, il ne saurait dire de quel lignage elle appartenait.

- Tu es donc une fille de Louvetiers ? Vous défendez le peuple contre des attaques de monstres, c'est ça ? J'en ai fréquenté que très peu, pour ne pas dire pas du tout. Je n'y connais rien dans ce domaine-là.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyJeu 5 Oct - 17:33

De ce que j'arrive à comprendre de ses expressions, le farïd semble surpris mais pas vexé par mon discours, ça me le rend déjà plus sympathique que certains humains ; il s'excuse même de ce qu'il a dit – beaucoup plus sympathique que pas mal d'humains ! Je lui souris ouvertement, d'autant plus calme que tout a commencé devant un loup qui me grognait après. Je me rends compte aussi qu'entendre parler de trafic de fourrure farïd m'a fait m'inquiéter pour moi-même : le plus loin je serai de toute ces histoires de marché noir, le mieux ce sera. Je ne sais pas si me faire manger par un loup serait pire ou mieux que de finir en pièces détachées entre les mains d'humains. Les deux sorts doivent se valoir, mais je ne me sens pas pressée de le découvrir ; sourcils froncés dans un effort de concentration, je préfère m'appliquer à comprendre les explications du loup sur sa transformation.
    « Si on ne garde pas bien ses vêtements en tête, on peut en faire apparaître d'autres ? Et si on voit mal les couleurs, est-ce que les vêtements peuvent changer de couleur du coup ? C'est … très bizarre. Mais si c'est possible de se changer en loup, le tissus c'est peut-être pas le plus gros truc à faire apparaître. »
Je relève la tête vers lui, pas très sûre de ce que j'avance, mais il a l'air d'avoir décroché de la conversation : ses yeux de renard se sont perdus dans ma direction, comme s'il réfléchissait à quelque chose à mon sujet ou qu'il essayait de se souvenir de quelqu'un. Il reprend le sujet que j'ai amorcé sur les Louvetiers pour m'interroger à leur sujet – il a vite compris que j'ai de la famille dans cette branche de la guilde.
    « Fille et petite-fille, oui ! » j'annonce sans rien cacher alors que je reviens au niveau de Civet pour m'occuper de ses cordes. « Dans l'Empire, c'est assez courant de suivre la même route que ses parents, même si les lieutenants jurent d'adopter une idéologie neutre en début de carrière – de toute façon, tout le monde vient pratiquement de la frontière, alors c'est pas trop dur. »
Heureusement pour moi, le cou du petit animal duveteux semble s'être rompu quand il s'est pris dans le piège. Je regarde si la viande n'est pas gâtée et encore assez molle pour être facilement mangée.
    « Normalement, Papa et mon grand-père s'occupent de tout ce qui pourrait être dangereux pour des civils ou une police pas très bien préparée. Ça peut être beaucoup de choses, mais je suppose qu'on peut appeler ça des monstres. »
Je commence à attaquer les cordes en débarrassant progressivement le coin de toute trace de mon passage.
    « Après, c'est facile de pointer du doigt tout ce qui est dangereux et de l'appeler un monstre. Ce sont des soldats, pas des juges : ils obéissent. Si on leur dit de capturer quelque chose ou quelqu'un, ils le font. Si on leur dit de tuer, ils le font aussi. Pas de de pourquoi, pas de zèle ni de jugement ; s'ils doivent poser une question, ça doit commencer par comment … ? »
Je me lève et accroche Civet à côté de ses nouveaux amis en époussetant un peu mon pantalon de cavalier. J'espère que j'aurai autant de chance avec le prochain ; la ceinture commence à peser lourd sur mes hanches.
    « C'est ça, être un soldat : devoir suivre les ordres même s'ils ne nous plaisent pas. C'est … difficile de savoir qu'on est dans une famille de tueurs. Et de l'entendre, aussi. Mais c'est pour qu'on soit en sécurité. Vous voulez me suivre ? »
Je suis à nouveau sur le sentier, prête à continuer ma ronde des collets avec peut-être un peu de compagnie. L'heure est encore matinale et les rayons du soleil traversent les feuillages en faisant de grandes diagonales dans les nuages de moucherons. Même si le temps est très agréable, ça me change de croiser quelqu'un par ici.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyDim 8 Oct - 17:10

- Non. Quand on ne garde pas bien ses vêtements en tête, ils... disparaissent. Se retrouver nu après une transformation, ça serait très gênant. On ne peut pas en inventer non plus. Lorsque je décide de me changer en humain, par exemple, je garde ces habits.

Se métamorphoser en une autre personne... Cirrus chassa violemment ce souvenir. Car la dernière fois qu'il avait changé d'apparence pour une autre, c'était pour offrir un poison à ses cousins. Les formes animales le rassuraient et lui rappelaient qu'il n'avait jamais fait de mal à personne, même en se vêtant de la peau d'un terrible prédateur.

La fillette parla du métier de Louvetier. Donc, ces gens-là étaient des soldats, comme son père et son grand-père. Et peut-être deviendrait-elle Louvetière à son tour. Suivre la même voie que ses parents, c'était aussi ce qui attendait les enfants de Syab. Cirrus n'aurait jamais été soldat mais bien plus s'il ne s'était pas exilé. Il frissonna quand il pensa à la personne qu'il serait devenue s'il avait triomphé. Un monstre couvert de sang d'innocents qui n'aurait cessé de couler. Mais un jour ou l'autre, on l'aurait abattu.

Il avait reçu sa punition et personne ne devait le regarder avec pitié. Il était son propre maître depuis sa naissance et n'avait agi sous l'influence de qui que ce soit. Un soldat obéissait à un supérieur et était son arme. Malgré son très jeune âge, cette fillette était dotée d'une grande intelligence.

- C'est vrai, acquiesça-t-il, le soldat n'est qu'un instrument aux mains de son supérieur. Je pourrai très bien être désigné comme un monstre. Un grand loup blanc solitaire, c'est une chose rare.

Cirrus opina de la tête à la proposition de la fillette. Sans plus tarder, il marcha à ses côtés et savoura la vie dans la forêt.

- Dis-moi... quel est ton nom ?
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyMer 11 Oct - 17:16

[Petite ambiance]

    « Les vêtements disparaissent » je m'exclame, les yeux ronds, avant de prendre un instant de réflexion ; « je me demande où ils s'en vont … c'est le genre de questions qu'il faut sûrement poser à un alchimiste (dommage que je n'en ai pas un sous la main, je me dis ; je me demande si je me souviendrai de la poser quand ce sera le cas) … maintenant je me dis que c'est toujours mieux que de fusionner avec. »
J'appuie la parole en mimant un monstre et en faisant la grimace assortie.
    « Il y a beaucoup d'histoires sur les chiméristes et les … choses qu'ils essaient de coller ensemble, comme des bébés qui jouent avec de la pâte à modeler. Ça m'étonnerait même pas qu'ils aient déjà essayé de coller un objet à un animal. Plusieurs fois. C'est peut-être tant mieux, donc, de ne pas garder ses vêtements quand ça rate : le résultat doit pas être super appétissant, côté chimères … la magie est quand-même bien fichue, » je dis, un peu dans le vent et en même temps que de regarder une autre magie : celle-plus subtile, qui colore de rouge les feuilles de l'automne ; « je veux dire : quand elle est bien utilisée. C'est à se demander si Dresla n'existe pas pour de vrai, hein ? »
Je lui souris de toutes mes dents, en essayant de le mettre à l'aise comme je peux : même s'il est curieux (dans tous les sens du terme), je vois bien qu'il n'est pas au mieux de sa forme. À son ton, je me demande presque si lui-même ne se voit pas comme un monstre. Sans rien perdre de ma chaleur, j'essaie de le rassurer en prenant le ton le plus doux dont je dispose, de ce genre de voix qu'on voudrait entendre alors qu'on se réveille dans le noir après un cauchemar ; à ceci près qu'ici, le monstre à chasser n'est pas celui qui se cache sous le lit, mais sous sa peau.
    « Je ne pense pas que tu mériterais de te faire chasser, » je lui dis avec une condescendance fausse et un peu piquante ; « il y a des monstres bien plus gros que toi qui traînent dans la nature. Toi, tu fais moins peur que les chasseurs … crois-moi ! Je sais de quoi je parle ! »
Le sourire en coin, je le dévisage avec des airs de professionnel qui partage le souvenir de sa meilleure affaire avec son apprenti. Je ne sais pas si la manœuvre l'a apaisé, mais après quelques mètres franchis dans le silence, je l'entends me demander mon nom. C'est curieux, venant de l'homme qui se cachait derrière un masque de loup il n'y a pas une demi-heure de ça ; j'avais fini par me dire qu'il ne tenait pas plus que ça à aller plus loin dans les présentations. À sa question, je suis prise d'une exclamation indignée et porte la main à ma bouche :
    « J'en oublie les bonnes manières ! »
La nouvelle vaut la peine de s'offrir une petite mise en scène : je profite d'une trouée de ciel bleu perçant la voûte des ramures pour me placer dans la lumière qui s'en déverse et esquisse une révérence parfaite à la mode hyii.
    « Fai Ghiaccio ! Et qui est-elle ravie de rencontrer ? »
Je lui tends la main pour qu'il s'en saisisse, et brise la parfaite étiquette de la petite demoiselle par un haussement désinvolte d'épaules quand j'ajoute que ce nom-là fait pas mal parler la satire politique – comme beaucoup d'autres noms de Louvetiers d'ailleurs.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyJeu 12 Oct - 11:45

- Les métamorphoses peuvent être dangereuses, elles aussi. Elles peuvent rater et donner des résultats effrayants. La magie, c'est tout un art qu'on ne pourra jamais maîtriser à la perfection.

La gamine confirma ses croyances : les dieux ne semblaient pas exister pour elle. Ses paroles étaient assez déconcertantes pour Cirrus qui avait grandi dans la religion des Farÿd.

Le comportement de la fillette lui fit oublier sa contrée d'origine. Beaucoup plus espiègle qu'au début de leur rencontre, elle rasséréna un peu le vagabond. Mais chacune de ses paroles le renvoyait dans le passé. S'il ne méritait pas d'être chassé ? Bien sûr qu'il le méritait ! Et même pire encore. Les chasseurs ne le craignaient pas mais les Farÿds, oui.

Quand il lui demanda son nom, la fillette prit un air faussement indigné et s'avança de manière théâtrale dans une douche de lumière. Elle s'inclina devant le Farïd et lui révéla son identité : Fai Ghiaccio. Cirrus ne réagit pas à son nom de famille. Il entra dans la mise en scène de la gamine en lui baisant la main.

- C'est un immense plaisir de faire votre connaissance, Mademoiselle Fai Ghiaccio. Je me nomme Cirrus.

Zmar avait disparu des présentations, évidemment. Fai s'y connaissait peu en Farÿd mais elle avait peut-être déjà entendu son nom. De toute façon, il n'était plus un Zmar depuis son exil.

- Je ne connais pas les forêts d'Amaëna. Où avez-vous l'intention de m'emmener, Mademoiselle Ghaccio ?

Jouer un rôle, oublier ce qu'il était. C'était tout ce dont il avait besoin.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyVen 13 Oct - 17:20

[Musique]

C'est agréable de ne pas être toisée comme chez le médecin comme à chaque fois que je donne quelque chose qui pourrait me rattacher à un Louvetier en particulier – beaucoup se font connaître et reconnaître comme le Thare qui se promène dans l'Empire … ou le Dalentien qui se balade dans l'Archipel. Mais le farïd que j'ai devant moi n'a pas l'air de vouloir me chercher des poux : son accent et son absence de réaction me disent qu'il vient peut-être de Syab ; il n'est sûrement pas touché par les mêmes a priori culturels, et les humains doivent tous se ressembler à ses yeux. Il se présente sous le nom de Cirrus.
    « Eh bien ! Si on m'avait demandé, je vous aurait appelé Nuage ! » je temporise la suite de ma réponse, un peu gênée d'avouer : « … un peu comme presque tout ce que je croise de blanc, en fait. »
L'odeur verte et légèrement humide du sous-bois vibre du rire des mésanges. Il ne s'est pas passé bien longtemps depuis que je me suis séparée de Mamie, furieuse de se voir toujours tenir éloignée de son pays d'origine par Monsieur Aravani – furieuse sûrement aussi de me voir tenue éloignée de ses origines à elle. Je m'attends presque à voir les arbres se clairsemer devant sa destination de prédilection, entendre les bruissements des conversations qui y ont cours … nous sommes encore trop loin pour percevoir tout ça.
    « Déjà, j'essaie de vous tenir à bonne distance de la route des elfes – ils vivent très près du conflit, alors je ne sais pas comment ils réagiraient s'ils nous voyaient passer chez-eux ; pour tout vous dire, j'ai pas vraiment envie de le découvrir. Et ensuite, » je prends une respiration dans l'air matinal qui se réchauffe, « je connais un petit comptoir hyii, construit pas trop loin d'ici ; si on me cherche, ça sera là-bas qu'on s'attendra à me voir. Mais avant ça … »
Quelques bonds suffisent à me placer à hauteur du dernier piège posé là, que des encoches encore fraîches sur les troncs indiquent à tous les trappeurs.
    « … on reprend la chasse aux Civets ! »
Ma phrase se termine presque par un hoquet : le Civet-là est bien vivant, et quand il m'aperçoit, il s'élance partout où son collet le lui permet encore. Je m'agenouille près du petit animal paniqué, soudain perdue : je n'aime pas qu'ils soient encore vivants quand j'arrive. Les lièvres posent rarement ce problème : ils sont comme les renards quand ils sont attachés, et s'ils ne peuvent pas se dépêtrer de la ligne, ils choisissent de se briser le cou. C'est net, précis, et quand on arrive, on n'a rien d'autre à faire que de les décrocher. Les lapins, c'est différent : ils sont plus sages, et c'est à nous de mettre fin à leurs jours. Ma voix et mes mains tremblent.
    « Oh, non … » j'essaie de contrôler ma respiration et, sortant mon petit couteau de ma pochette, j'attire l'animal à moi, en douceur, une main sur la ligne ; « je ne vais pas te louper, promis, petit … »
Arrivé à moi, je le saisis bien fermement et l'appuie sur mes genoux. Il se débat un peu, puis se contente d'attendre, son petit corps duveteux agité seulement par sa respiration empressée. Je sens sa chaleur contre moi. Une main expérimentée lui casserait la nuque d'un geste sec ; les miennes tremblent encore. Je n'arrive pas à faire passer ça. Il faudra que je me contente de la lame. Je cherche le point où je vais devoir la planter, en fouissant dans son poil chaud, juste sous le crâne. J'y plaque le plat du couteau. Je sens son ventre qui palpite contre mes genoux. Un coup sec. Le collet se rompt, reste dans mes mains. Vide. Le lapin est loin, maintenant. Au revoir, petit Civet. Cirrus est toujours à côté de moi. Je range mon couteau, et sur un ton d'excuse embarrassé :
    « Je … j'ai pas pu. Je l'aurais raté. Il aurait trop souffert. »
Je me relève, un peu pantelante ; le son revient à mes oreilles, les odeurs à mon nez, la lumière à mes yeux. Je prends le temps d'inspirer profondément, de me charger de ces sensations. Le sang cesse peu à peu de battre mes tempes. Je déplie nerveusement le tissus à mes genoux. Quelques poils de l'animal y témoignent encore de son passage.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyJeu 19 Oct - 12:40

À la réponse de Fai, Cirrus éclata de rire.

- À vrai dire, c'est un peu la raison pour laquelle j'ai choisi ce nom !

Bien sûr, il n'allait pas la prendre pour une imbécile. La fillette avait compris qu'il était mage après sa métamorphose et ses queues prouvaient ses aptitudes en magie. Même quelqu'un qui n'avait jamais vu un Farïd en face connaissait quelle influence avait Dresla sur eux.

Cirrus marcha aux côtés de Fai. Les Elfes... Cirrus n'avait jamais vraiment rencontré d'elfes. Tout comme les Nains, ces êtres aimaient vivre coupés du monde et se méfiaient des étrangers. Voir une petite humaine et un Farïd à deux queues les surprendraient. Cirrus était étonné de ne pas en avoir croisé un durant ces jours à vagabonder dans la forêt.

Les feuilles dansaient dans les rayons du soleil comme des pétales d'or et se couchaient sur l'eau. Des cercles qui se dessinaient à la surface chassaient les petits insectes qui allèrent se poser ailleurs ou servir de repas aux grenouilles. Alors qu'il contemplait la vie dans la nature, une question évidente traversa l'esprit de Cirrus :

- Ta famille n'est pas loin ? Tu es venu avec qui ? Ton père ?

Être avec une enfant ne le dérangeait pas plus que ça, au final. À l'âge de Fai, même si elle était intelligente, elle restait dupe. Un adulte, lui, avait plus de chances de découvrir l'identité de Cirrus. Mais Fai désirait reprendre la chasse et mena le Farïd vers les pièges. L'enthousiasme de la gamine tomba quand un lapin se débattait, pris dans un collet. Ses mains et sa voix tremblaoent. Alors qu'elle s'avança vers le petit animal, Cirrus lui proposa son aide :

- Si tu veux, je peux m'en charg...

Mais la fillette était déjà en train de s'en occuper. Malgré sa nervosité, ce n'était pas la première fois qu'elle réglait un tel problème. Fai libéra le lapin d'une main habile et le laissa s'échapper. La fillette se releva, encore sous le choc. Cirrus lui posa une main pleine de douceur sur son épaule.

- Je comprends. C'est dur d'enlever la vie à un être vivant. Il vaut mieux que cela se fasse vite. Même s'il est nécessaire de se nourrir, il est préférable que l'animal meurt sans torture. Celui-là est sacré veinard, en tout cas ! termina-t-il sur un ton plus plaisantin.

Le lapin s'était faufilé entre deux buissons pour se réfugier dans sa garenne. Désormais, il n'allait plus revenir dans ce coin de la forêt.

- Enfin, tu ne repartiras pas bredouille, de toute façon.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyVen 3 Nov - 6:26

    « Je pensais que j'y arriverais, cette fois-ci, » je dis, tournée vers les buissons où la proie a filé. « Que ça serait différent si j'avais quelqu'un à côté de moi … »
Je hausse les épaules : Cirrus n'a pas tort quand il dit que, de toute façon, je ne rentrerai pas bredouille – ma ceinture pèse déjà bien lourd, et même si un lapin supplémentaire signifie un soir de plus avec de la viande pour les gens du comptoir, je me dis que Mamie ou Papa se sera très assez bien débrouillé pour compenser cette petite gaffe. Mais autre chose me chiffonne.
    « Papa dit qu'il faut être prêt à tuer quand on apprend l'épée. Je crois que j'ai encore du boulot là dessus. »
Je suis plus détachée quand je reviens au collet ; j'enroule la ficelle autour de mon poing grasset et éclaboussé de taches de rousseur et de soleil. Mon ami semblait s'inquiéter, plus tôt, en me demandant où était ma famille. J'essaie de le rassurer à mon tour, comme il a tenté de le faire quand j'ai raté le lapin.
    « J'allais voir les Hyii avec ma Mamie, mais elle a été retardée, » je soupire et énumère en comptant sur mes doigts : « en fait, elle s'engueule avec Monsieur Ghiaccio de si je dois braconner ou pas ; de si je dois approcher des Hyii ou pas ; et après ça part en dispute de vieux. Quand Papa commencera à trouver le temps long, il va remonter le chemin, les trouver eux et pas moi. Là ils vont à nouveau s'engueuler – enfin, se faire passer un savon royal – Monsieur Ghiaccio va retourner à la caserne, Mamie va aller chercher du côté du comptoir et  Papa va fouiller autour de la route. Comme d'habitude. »
Je reprends le sentier ; Mamie n'aura pas de mal à me retrouver, et Papa ne met jamais longtemps à retrouver ma piste – j'ai même remarqué qu'il s'attarde de moins en moins là où je ne suis pas. Je jette un regard un peu gêné au grand Farïd : je me sens un peu coupable d'avoir laissé parler ma colère sans même la mâcher avant.
    « Oh, j'aime bien les Hyii, n'allez pas croire ! » je me justifie, « ça leur rend service de maintenir le contact, de leur faire des cadeaux … mais je ne me sens pas trop à l'aise en ville. Ni quand je vois la manière dont les autres prêtresses me parlent. Et pour mon grand-père, » je prends un instant pour réfléchir avant de faire un commentaire : « c'est comme Mamie : il a son idée sur ce que je dois devenir. Papa aussi, je pense. Mais ils sont pas fichus de s'entendre. »
À ce sujet, Tonton Leo est toujours bien plus buvable : ses visions d'avenir ne vont jamais plus loin que la prochaine robe ou salopette dans laquelle il voudrait que je me balade. Au moins, je ne risque pas de me promener les fesses à l'air grâce à lui – vu comme j'arrive à disparaître quand le reste de la famille commence à se chercher des poux, il serait sûrement le seul à le remarquer ; et vu la quantité de tissus qu'il a toujours à ajouter, même un carreau d'arbalète n'arriverait pas à me faire un bleu là-dessous. Je pense à une arbalète à tours, évidemment : les autres, je pourrais renvoyer les carreaux à leur envoyeur d'un revers de manche trop amidonnée.

Les arbres se clairsèment ; à l'humidité et à la fraîcheur du sous-bois a succédé un soleil moins timide qui chauffe herbes, haies et buissons ; des murets de pierre égrugée et toute couverte de vignes laissent planer l'odeur aigre-douce de leurs fruits qui pourrissent dans la chaleur naissante. Sous la caresse du vent, la tête des trèfles acquiesce à tout ce qu'il leur murmure. La clairière est vaste ; elle donne envie de rendre un temps d'arrêt tant que la végétation continue de nous séparer des hommes. Là-bas, je sais que la minuscule enclave hyii vers laquelle je me dirige fourmille plus d'activité que beaucoup de grandes villes tout en n'étant pas plus grosse que le plus petit des villages.

    « Comme on n'est pas vraiment à Hyi mais dans l'Empire – c'est une enclave, en fait – ici les prêtresses sont beaucoup plus ouvertement religieuses. Elles s'extasient sur le moindre problème de peau, par contre, dès qu'on leur pose des questions un peu poussées … ben, elles ressortent les mêmes phrases que tous les religieux pour éviter de dire qu'elles en savent rien. »
Je dérange une envolée de moineaux embusquée pas très loin, à force de parler ; ils pépient leur indignation ; moi je les regarde et me rappelle de quelque chose :
    « Par exemple, tu vois les oiseaux ? Eh bien est-ce qu'ils ont un ou deux anniversaires ? Celui de l'œuf ou de l'éclosion ? Et les dragons, alors ? Ils pondent des œufs, eux-aussi. Mais ça veut dire que c'est quand, leur anniversaire ? Et est-ce qu'ils le fêtent ? Et les demi-dragons, eux-aussi ils naissent dans des œufs quand c'est leur maman, le dragon ? Et les mamans dragons, est-ce que ça change la tête du bébé si elles gardent plutôt une apparence humaine ou plutôt une apparence de dragon ? Papa me dit que si on en sait rien, c'est parce que les dragons sont souvent des papas et que ça les arrange bien pour se barrer. Mais vous, vous avez des dragons, à Syab. Vous avez pu en voir, des mamans dragons ? »
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyJeu 16 Nov - 2:09

- Ça viendra, tu verras. Mais tu te débrouilles déjà bien avec la chasse, la complimenta Cirrus après que Fai ait parlé du fait d'être prête à tuer à l'épée.

Parfois, il ne valait mieux pas que cela vienne. Mais bon, dans un monde comme celui-ci, il fallait apprendre à se défendre.

Cirrus avait rencontré Fai en chasse alors que sa grand-mère n'était pas loin. Elle lui raconta ses histoires de famille. "Monsieur Ghaccio", "Mamie" et "Papa" se disputaient souvent à propos du braconnage, ce qui ennuyait la petite. Puis, elle assura qu'elle appréciait les Hyii.

- Je n'aime pas non plus les villes, surtout celles-ci, lui confia Cirrus, nos villes sont différentes du reste d'Irracya. Elles foisonnent de monde mais généralement de Farÿd. Les autres sont des marchands, des gens de passage. Je n'ai jamais quitté Syab et j'étais impressionné de voir une population aussi diversifiée dans l'Empire. Quant aux prêtresses de Hyii, je n'y ai jamais vraiment à faire.

Et les rencontrer l'indifférait.

- Ils devraient laisser le temps faire son œuvre, tu trouveras toi-même ton propre destin.

Cirrus continua sa route auprès de Fai. Le silence s'installa entre eux deux et lui donna un moment de réflexion. Si la fillette trouvait son destin, il espérait qu'elle ait une vie sans histoire. Elle le méritait, après tout. Enfin, on ne pouvait pas penser le contraire d'une gamine polie et gentille. Mais le monde finissait par corrompre les enfants et ils devenaient un adulte différent de ce qu'ils étaient. Cirrus savait ce qu'il pensait. Lui et sa sœur étaient des enfants modèles, malgré les bêtises qu'ils avaient commis. Mais la vie avait décidé d'en faire des personnes différentes.

Quand Fai parla des prêtresses et des questions qu'elles esquivaient avec leurs réponses religieuses et répétitives, Cirrus sourit. Oui, bon... comme tous les religieux, en fait.

- Elles ont leurs codes. À mon avis, il y a des choses auxquelles elles refusent d'y répondre.

Quelques oiseaux pépièrent à leur passage et s'envolèrent vers d'autres arbres. Fai submergea soudainement Cirrus de questions.

- Je pense que les animaux n'ont pas cette notion d'anniversaire. Ils ne vivent que pour survivre et pour se reproduire. Quant aux dragons, je pense qu'ils ne comptent plus leur âge une fois quelques siècles dépassés. Oui, les dragons qui se reproduisent avec d'autres espèces sont souvent des pères. Quand il s'agit d'une dragonne, elle reste sous sa seconde apparence, selon de son compagnon. À vrai dire, je n'ai pas vu de dragons comme tu l'imagines mais, à Syab, nous sommes entourés de vouivres de neige et de leurs Dragonniers. Les grands Dragons de Glace vivent reclus de nos civilisations.

La forêt commençait à s'éclaircir de plus en plus, Cirrus leva les yeux vers le feuillage des arbres.

- Et c'est sans doute mieux ainsi. Nos villes ne méritent pas d'être changées en labyrinthe de glace.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyMar 2 Jan - 17:52

Autant je souris au compliment sur mes compétences de chasseuse, autant je grommelle un peu devant ses réponses assez plates au sujet des anniversaires : bien sûr que les oiseaux ne le fêtent pas … mais si ça avait été le cas ? Son point de vue sur les animaux me refroidi un peu aussi : je sais bien qu'ils ne fêtent pas leur anniversaire. J'ai neuf ans, pas deux. Et (je me rembrunis) c'est bien une pensée de chasseur de se dire qu'un animal se contente de survivre et de se reproduire. Je pince les lèvres : même si je veux bien laisser passer le fait qu'on me prenne pour une gamine sans un sou de jugeote, il y a des choses qui doivent parfois sortir.
    « Vous avez déjà eu un chien, monsieur Cirrus ? Ou est-ce que vous connaissez quelque chose au sujet des loups, au moins ? Parce que j'ai peut-être l'air nunuche, mais entre vous et moi, je suis celle des deux qui se dit qu'un animal qui est capable de donner sa vie pour un autre ne résume sûrement pas sa vie à un bout de viande et trois femelles. Respectez un peu ce que vous chassez ! »
J'ai été un peu sentencieuse, et maintenant nous avançons dans le silence. Je ne peux pas garder bien longtemps le mien :
    « Et … ils sont beaux, ces labyrinthes ? » je demande tout timidement ; « et … vous savez si la dragonne est obligée de conserver son apparence ? Parce que c'est vraiment pratique alors pour savoir si elle attend un bébé, alors ! »
Quand j'entends les premiers bruits civilisés, mes pieds s'arrêtent et me retournent vers ce grand farÿd. Je n'ai aucune idée de ce qui l'a poussé à se cacher dans les bois et à craindre les braconniers, et je ne veux pas le pousser à m'en parler, mais je m'attends presque à ce qu'il me laisse avancer seule … à tort, peut-être ?
    « Euh … désolée d'avoir haussé le ton, tout à l'heure. Et merci pour le bout de chemin, aussi. »
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyJeu 18 Jan - 17:43

C'était étrange comment les enfants pouvaient faire remonter des souvenirs aussi percutants. Cirrus n'avait jamais eu vraiment d'animaux dans son entourage, excepté les vouivres. Pour lui, tout ce qu'il avait tué avait été des êtres sans âme. Non, il n'avait jamais respecté ce qu'il chassait, créatures pensantes comme animaux. Un peu surpris par la réaction de Fai, Cirrus s'excusa.

- Je ne voulais pas te prendre pour une idiote. Après tout, c'est normal de se poser ce genre de questions. On se demande parfois si les animaux ont conscience du temps qui passe. Tout comme les chiens, les vouivres des neiges peuvent se sacrifier pour leurs maîtres. En réalité, on les considère plus proches des Farÿd que des animaux.

Ils avancèrent dans le silence. Cirrus ressassa la réponse de Fai et les souvenirs de ses meurtres. Même si elle chassait, elle reconnaissait que chaque vie avait sa valeur. Et c'était ce genre de pensée qui indiquait si la personne était bonne. Lui, il avait encore cette part d'ombre qu'il tentait de fuir chaque jour et qui la rattrapait.

Fai le sortit de ses pensées et retourna sur ce qu'il avait dit à propos des dragons.

- Je n'ai jamais mis les pieds dans un labyrinthe de dragon des glaces mais j'aurais aimé voir ça de plus prêt. Les dragonnes pondent leur œuf avant de prendre leur apparence humanoïde. Enfin, c'est ce que j'ai entendu dire.

Un brouhaha se fit entendre. Cirrus et Fai s'arrêtèrent. Tous deux comprirent que le chemin touchait à sa fin. La fillette s'excusa de s'être énervée.

- Non, non ! Tu avais bien raison. Bon, je suppose que ta famille t'attend ici ?

Cirrus n'avait aucune envie de se fondre dans la civilisation. Après avoir passé des jours dans la forêt, c'était un retour si brutal aux activités citadines. Mais il devait bien en sortir un jour.

- Je crois que nos chemins se séparent. J'ai beaucoup de choses à faire de mon côté. Je te souhaite bonne continuation, Fai Ghiaccio et j'espère qu'on se reverra !

Cirrus recula pour s'incliner. Il lança un dernier sourire à la gamine avant de se changer et de partir dans la direction opposée.
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MessageSujet: Re: Un loup solitaire [Libre]   Un loup solitaire [Libre] EmptyMar 23 Jan - 17:42

Je ne sais pas si mon instinct a raison sur ce qui pousse Cirrus à me quitter avant de pénétrer parmi la foultitude pullulante et affairée du comptoir ; peu m'importe, à vrai dire : son excuse me suffit amplement.
    « Hana et les autres vont arriver bientôt. Il n'y a pas à s'inquiéter. J'ai l'habitude ici. »
Le farïd s'incline prestement, petit clin d'œil à nos présentations, et alors qu'il entame la route de son côté, je mets mes mains en porte-voix dans sa direction et fais mes adieux :
    « Bonne chance sur la route ! Si vous croisez un jour un Ghiaccio ou une hyade dans la zone, dites que vous venez de la part du Petit Renard ! Au revoir, monsieur Cirrus ! »
J'agite les bras jusqu'à ce qu'il soit hors de vue ; les voici qui retombent mollement le long de mes flancs cependant que je m'interroge encore un peu au sujet de dragons et de glaciers labyrinthiques – même si cette chaleureuse journée d'automne ne prête pas vraiment à ce genre de réflexions. Au comptoir, un marchand qui me reconnaît coupe court à mes rêvasseries : l'homme, même s'il se targue du titre d'ambulant, s'est installé ici depuis longtemps pour profiter des passages ; pour l'instant, c'est une pomme qu'il me tend en échange de nouvelles des différentes capitales, de la famille, de ma grand-mère surtout. Est-ce qu'elle va bien ? Est-ce qu'elle a entendu parlé de ce transport d'esclaves disparu à bord duquel se trouvaient des métis draconiques ? Nous discutons jusqu'à ce que l'intéressée nous rejoigne pour répondre elle-même, ajouter des précisions à ce dont j'ai pu informer l'adulte affable. J'espère qu'il vantera bien suffisamment mes prises de la journée pour m'éviter une trop sévère réprimande : pour l'instant, les regards que ma mamie me lance ne m'annoncent ni d'avenir radieux, ni de matins qui chantent. Je n'ai pas tellement envie de rentrer, mais je sais que la journée va se poursuivre comme à l'accoutumée, comme la surface de la mare qui redevient d'huile juste après qu'on l'ait dérangée d'un pavé.

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