Discuter d'un futur possible...

Le train hebdomadaire avait repris son cours naturel à Alserd, tout juste après la visite de Leif au printemps dernier. La neige avait disparu, la verdure avait récupéré son territoire et le manoir avait vu quelque naissances ces derniers temps. Mais aucune de ces naissances ne causait autant de soucis que celle de Loke.

Il était recouvert de fourrure, avait de grandes oreilles et un appétit vorace comme les autres bambins. Cependant, il courait déjà partout, bien que maladroitement, aimait mordiller ses jouets improvisés, et ne quittait pas sa mère un seul instant. Loke n’était pas un Farid. Loke était un snødrak. Un snødrak que Warui avait ramassé dans les bois il y avait de cela un mois. Ça grandit vite ces petites bêtes-là! Profitant d’un moment de liberté de son horaire, en emmenant Shasta avec elle, elle pensait aller chercher un oeuf non fertile après la période d’éclosion pour se faire une omelette sauvage. Le plan allait bien, jusqu’à ce que son butin décide de craquer, une fois revenus au Manoir, bien au chaud dans la chambre de la petite. Elle planifiait comment elle allait demander aux kokker de préparer sa trouvaille quand la coquille se fissura. En un rien de temps après, elle avait un dragonnet dans les bras. Et ses plans venaient de tomber à l’eau.

À l’extérieur du Manoir, dans les Jardins, la jeune arving était étendue sur le dos, ses verres fumés sur le nez, sous une demi-tente en tissu, sa fourrure balayée doucement par la brise fraîche, Loke reposant dans le creux de son aisselle gauche, endormi. Il n’y avait pas de classe aujourd’hui, Zima avait des trucs à faire de son côté avec Shasta, Mamma lui avait donné congé d’entraînement. Outre les jardiniers qui s’occupaient de la flore, Rhyas veillait sur sa nièce, lui tendant des fruits secs qu’elles grignotaient ensembles.

Bien que tout semblait normal, l’albinos savait une chose: Leif revenait faire un tour et derrière son apparence calme, elle avait hâte de le revoir à nouveau après ces dernières semaines. Mamma avait glissé qu’il y avait des choses à propos du mariage qu’elle voulait mettre au clair avec le Berengari, après quoi la petite serait incluse dans la discussion.

Warui eut un faible soupir, les yeux fixés sur les nuages blancs. Mamma en faisait trop parfois...

Plus d'un mois s'était écoulé depuis ma dernière visite en ces terres. Tout dans le paysage avait de quoi émerveiller les yeux et toucher les âmes les plus sombres. La nature avait une emprise totale sur ce territoire qui se voyait transformé à chaque nouvelle saison, toutes le rendant plus magnifique les unes que les autres.

J'avais le coeur léger à l'idée même de pouvoir y retourner. Cela n'aurait pu être possible aussi tôt si la Jarl Elleira ne m'avait fait mander. Depuis la réception du courrier mettant carte sur table la raison de ce nouveau lien unissant bientôt officiellement nos familles, les émotions menaient une guerre infinissable en moi. J'étais fier d'avoir réussi à établir une relation de confiance avec la Warui, joyeux de l'acceuil que m'avait fait l'ensemble des Sytha... paniqué à l'idée du mariage. Cette pensée avait probablement du me faire rougir comme jamais sous ma fourrure du haut de mon destrier. Il fallait que je me ressaisisse, je n'étais plus un enfant. Mener à bien cette mission était capital.

Nous entrons, avec les gardes m'ayant accompagné, dans l'immense demeure de la Jarl. Cette fois notre arrivée est annoncée mais toujours assez discrètement pour que je puisse rejoindre les jardins.

"Une journée splendide qui s'annonce, madame."

Si Warui voulait passer du temps avec son fiancé, après une semaine qui s'était bien passée si on oubliait le un évênement, il était naturel de vouloir retrouver quelqu'un qu'on aimait bien. La Jarl avait proposé à sa jente d'attendre un peu. Les temps de préparations pouvaient être longs, et maintenant la jeune héritière devait s'occuper à plein temps d'un dragonnet.

Warui entendit Leif l'interpeller quand il entra dans les jardins, ses oreilles ss redressant et ses yeux le cherchant du regard. Rhyas goba une poignée de fruits secs en lui envoyant la main.

Loke ouvrit les yeux, leva sa tête et chercha la source de ce son qu'il ne connaissait pas. Il balaya les jardins du regard et s'arrêta sur le nouveau-venu au pelage sombre. Le snødrak se leva maladroitement sur ses pattes et grimpa sur sa maîtresse pour se réfugier de côté opposé du Berengari. Incertain. Grognant faiblement envers Leif pendant que Warui lui carressait les oreilles pour le rassurer.

- Leif! S'exclama la petite albinos avec un grand sourire. Hé, ça va aller, dit-elle envers sa boule de poils et d'écailles, il te mordra pas.

Droit, je m'avance.... quoi qu'un peu plus doucement que je mes jambes l'auraient souhaité. A hauteur des dames c'est avec souplesse que je les salue par une révérence solennel à hauteur de leur rang.

-Tiens, mais qui nous avons là ? Je pose un genoux à terre et tends la patte avec douceur en direction du petit Drak. Bien le bonjour petit seigneur ! Comment s'appelle-t-il ?

Le snødrak restait terré contre la jeune princess. Il avait cessé de montrer ses crocs minuscules, mais sa gorge vibrait encore. Le nouveau était presque aussi grand que la grande bleue, bien plus grand que lui!

Rhyas salua Leif en retour, bien installée sur sa chaise. Warui se redressa sur l'herbe fraîche, Loke se colla le front contre son flanc. Au salut du jeune Berengari elle lui répondit par un sourire radieux.

À la main tendue du Skavan, le jeune dragonnet rentra sa tête dans ses épaules pendant un moment avant de l'avancer et renifler Leif avec précautions.

- Un chenapan, répondit Rhyas à la première question du jeune mâle.
- Je l'ai nommé Loke, ajouta Warui à la deuxième interrogation de son fiancé. Et comme dit Rhyas, il le mérite.

Elle lui gratta le menton et Loke réagit en tendant sa tête vers l'avant, les yeux fermés et les oreilles basses. Sa maman le prit dans ses bras, aussi gros qu'un grand chiot qu'il était. Satisfait d'avoir appris l'odeur de Leif, il lui lécha les doigts.

- Je voulais une omelette d'oeuf de drak, mais l'oeuf a éclôt dans ma chambre, raconta la petite snøpels. Mamma et Pappa… ont eu un choc…

Rhyas avait un sourire en coin.

Je les écoutes tour à tour. Ils semblaient tous si complices.

-Loke ? Je regarde le petit snødrak avec bienveillance. Un prénom bien charmant et peu banal. Vous comptez l'éduquer ? Je ne parviens pas à réprimer un sourire lorsque l'histoire de la naissance du petit dragon m'est partagé. En effet, je peux imaginer la surprise ! Avez-vous qui sont ses parents ?

Le dragonnet, confortable dans les bras de la petite Farid blanche, émettait un son ressemblant un ronronnement. Warui lui flatta son tas de fourrure entre ses cornes.

- Lui montrer tout ce qu'un dragon d'une Sytha se doit de connaître, répondit l'héritière à Leif avec un sourire radieux. Se battre avec une cavalière, l'étiquette sociale en public. Pour ce qui est d'apprendre à être un snodrak, Freya et les autres font leur part. Surtout Freya et ses dragonnets. Quand je ne peux pas garder Loke avec moi.

Ce qui incluait les repas et les classes, entres autres.

- La saison d'éclosion est passée cette année, informa Rhyas après une autre bouchée. Nous avons ici un retardataire. Elleira et moi sommes retournées aux sources que la meute d'Odin utilise pour l'incubation de leurs oeufs. Les autres coquilles étaient vides depuis longtemps déjà. Les plus récentes ont possiblement succombé aux prédateurs.

La Sytha d'ébène replaça son manteau sur ses épaules avant de poursuivre:

- Une meute de snodrak fonctionne comme une meute de loup: les fondateurs de la meute s'accouplent. Le reste du groupe est composé de leur progéniture. Odin est le père de sa meute. J'ajoute ceci parce que je connais personnellement Odin, qui était le drak de ma mère, depuis que je suis une kit; Loke est définitivement un fils d'Odin parce qu'ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Mêmes cornes, mêmes yeux, mêmes pelage, tout. La différence majeure entre eux est qu'Odin a toujours été massif, là où Loke est petit.

Un contraste et une ressemblance qui n'avaient pas échappés aux yeux du reste de la famille.

- Pour ce qui est de savoir qui est sa mère, je dirais la compagne d'Odin, Frigga. Elle est complètement sauvage, elle ne nous approche jamais. Cependant, elle nous a jamais montré d'hostilté ouverte.
- Je n'ai pas encore rencontré Odin, ajouta Warui qui continuait de câliner son dragon tout en regardant le jeune seigneur cendré. Mamma dit que ça viendra un jour, que ça ne presse pas.
- Et, parlant d'Elleira, elle voulait discuter de quelques choses avec vous deux, glissa Rhyas qui se levait et tapait doucement son pantalon pour enlever quelques brins d'herbes et particules de poussière. Elle m'a mentionné qu'elle serait dans ses quartiers.

Leif n'avait pas eu la chance de voir la section du manoir réservée au Jarl, la dernière fois qu'il était venu. S'il pensait déjà que sa future belle-mère était extra, il n'avait pas encore tout vu. La spion les mena jusqu'aux portes d'Elleira et cogna sur le bois foncé, parcouru de gravures et de motifs.

C'etait impressionnant toutes les connaissances qu'ils pouvaient accumuler sur tous ces sujets différents. Je me laissais emporter presque bercer par toutes ces informations qui m'étaient données, écoutant avec attention.

-Vous vivez en totale harmonie avec eux.

Cette dernière existait certainement par le respect mutuel que partageaient Faryd et Snødrak ou du moins, s'en trouvait fortement renforcée.
Mes oreilles se redressent lorsque qu'est mentionné le nom de la Jarl. Oui. Je ne devais pas oublier non plus les raisons premières de ma visite. Celle-ci était moins de courtoisie amicale que de nature politique. Je hoche la tête, retrouvant tout mon serieux et suis la sombre Faryd dans des couloirs qui, plus on avançait, m'évoquaient de moins en moins de souvenirs.
On s'arrête devant une porte d'une certaine envergure. Lorsqu'elle frappe pour signaler notre arrivée, je tâche de me tenir le plus droit possible.

- Difficile de ne pas laisser un snodrak en faire à sa tête de temps en temps quand on grandi avec eux ou qu'en élève un, admit Rhyas au jeune Berengari. C'était la meilleure façon de les approcher. C'est durant le règne de Lagertha Sytha qu'un de ses soldats devint partenaire avec un snodrak et ça se poursuit depuis.

Les cognements à la porte furent suivis d'un 'Entrez'. La Farid noire ouvra la voie et laissa les jeunes gens la devancer dans la pièce, avant de s'incliner devant eux et Elleira avant de se retirer et fermer la porte doucement derrière elle.

La lumière du soleil reflétait sur les murs de marbre rouges et pourpres, baignant ses occupants et les meubles de bois cirés et rares d'une aura sanguine, la pierre aussi lisse et polie que l'ère où elle avait été posée soigneusement pour plaire à une déesse. Le contraste entre le bleu de la fourrure d'Elleira et le rouge de ses quartiers créait une un élément surréel à sa présence, les murs pourtant bien mariés au or et violet de son manteau, les reflets agrémentaient même la fourrure immaculée de Warui, ses iris ressortaient encore plus.

À peine une saison s'était écoulée depuis la visite de Leif, mais ces dernières semaines n'avaient été clémentes envers la Reine de Feu de Syab, qui fermait les portes d'une armoire avant de les regarder. Sous ses yeux étaient visibles des cernes bleutés, pas très apparents mais discernables si on s'y attardait un instant, ils accentuaient son visage fatigué, que Warui savait constant même si parfois moins prononcé.Ses épaules un peu basses n'aidaient pas son port las, et, malgré son état, Jarl Elleira émanait toujours une aura de grandeur, même si ternie.

Gersemi ne se retint pas de réprimer l'inquiétude sur son visage, ce à quoi sa mère répondit par un sourire en coin, les invitant à venir s'asseoir à un bureau ou quelques chaises étaient toujours prêtes. Elle s'installa sur la sienne, des documents déjà ouverts.

- Le trajet s'est passé sans embûches? demanda la Farid azurée pour commencer la conversation. Pas de marchande pour vous rencontrer en chemin?

Elle souriait en disant cela

- La raison de cette visite est simple: discuter du mariage et ses... répercussions, ajouta-t-elle.

Leif était déjà au courant des grandes lignes, elle lui en avait fait part dans sa lettre de convoquation. Warui, d'un autre côté, allait apprendre bien des choses aujourd'hui.

- Pour être certaine que nous sommes tous au courant, pourrais-je avoir ta version et résumé des choses, Leif?