Je s'appelle Erv

On avait pas eu à marcher bien longtemps avant que la noiraude ne m'amène à l'une de ses tavernes favorites. Un hydromel de qualité qu'elle disait ?

- Je crois que c'que je goûte, ma belle.

C'était pas de refus. Bien qu'en ville la fraîcheur et l'humidité ne sembalient pas vouloir attaquer ma barbe et mes cheveux comme pendant notre chevauchée vers Alserd, j'avais presque cru ressentir la chaleur du foyer en entrant dans le bar. Y'avait pas mal de monde à cette heure, en même temps, il n'était pas si tôt que ça dans les faits. En tout cas, y'avait de l'ambiance, je me sentais pas dépaysé. C'était toujours sympa de tomber sur des régions et autres contrées ou il faisait bon vivre, ou les gens semblaient vivre en harmonies les uns avec les autres. On avait trouvé une table proche d'une fenètre et Rhyas manqua pas de commander pour nous deux. T'façon, elle était la seule d'entres nous à parler le dialecte du coin.

- Finalement, semble pas si mauvaise la dame Lira. Que je commençai lorsque les assiettes furent posées devant nous. J'suis toujours un peu rétiscent quand je dois rencontrer des Hauts mais elle parait ne pas prendre la grosse tête du haut de son perchoir. Le trône n'était que symbolique, comme la putain de taille de son manoir. Je sais pas si c'est une façade, je mâchais en même temps que de parler, levant la fourchette non sans envoyer quelques morceaux un peu partout, mais on dirait qu'elle s'accomode fastoche des basses classes. Elle avait pas pris la mouche malgré mon patois bizarre. Mmmh. Ouais. Ouaip-ouaip-ouaip: l'hydromel. D'la bombe. Je m'étais rincé le gosier comme un dieu pour le coup. Par contre, pour ton dico, ma toute belle. T'embête pas. Fait plutôt une carte avec des flèches. Ca va finir par rentrer dans mon crâne au bout d'un moment.

La bouffe était à se damner, l'hydromel était à tomber. Si j'étais pas déjà mort, j'aurais cru avoir un accès direct au paradis. Sans les vierges mais bon: l'alcool valait ce sacrifice. Je sauçais mon assiette pendant que Rhyas répondait tranquillement à mes interrogations et mes remarques. C'était un endroit plutôt agréable tout compte fait. Pour dire la vérité, j'étais encore jamais vraiment tombé sur un lieu m'ayant déplu. Je suppose que quant on a bossé en tant que mercenaire, on doit s'accomoder de tout. Dès l'instant qu'y'avait du monde, de la fête, d'la baston, d'la bouffe et d'la boisson: j'étais content. Y'en faut peu pour être heureux.

- Ah ouais... L'a pas eu la vie fastoche la dame. Je disais en m'essuyant la bouche et la barbe après ma pinte bu jusqu'à la dernière goutte (pas de gâchis). Si t'as l'occasion d'avoir les cours avant, s'doit pas être aisé de faire ce qu'elle fait. Mais bon, si elle était la dernière de la famille encore en vie, fallait répondre de ses obligations. Le destin peut prendre de drôle de tournure parfois.

On avait tous un rôle à jouer et j'avais toujours eu la chance d'avoir celui de larbin pour ma part. Plusieurs fois on m'avait proposé la place de capitaine pour mener la troupe de mercenaire, je refusais d'office. J'aimais pas les responsabilités. Ecouter, obéir et agir sans poser de question: c'était ça mon boulot. Depuis toujours.

- Elle aimerait bien quoi ?

J'avais pas compris sa remarque pour le coup... j'avais dit un truc de travers ? Peut-être. En tout cas, on avait fini de bouffer et ça faisait un bien fou d'avoir le ventre pleins. Une fois debout, je lui tapai amicalement le dos.

- Merci pour la boustifaille, m'dame. C'était bien bon. J'ajoutai en regardant le tavernier. Mes compliments au cuistot.

Après ça vinrent maintes et maintes propositions toutes plus alléchantes les unes que les autres de la part de la petite noiraude.

- Euh... Oui ?

Pour le coup, je pouvais pas répondre autre chose: j'voulais tout faire.

Je lui disais ou pas qu'j'avais complétement zappé le nom de la dirigeante ? Non. Nan, franchement j'crois que pour le coup, j'allais garder ça pour moi. Je souris. J'avais que ça de plus intelligent à faire. Heureusement qu'j'étais beau, parce que qu'est-ce que je pouvais être con. Je me passai la main dans la barbe, écoutant toujours attentivement l'histoire quelque peu mouvementée de la Jarl. On pouvait dire qu'elle avait pas eu une vie facile la pauvre dame. Et s'ajoutaient à ça les problèmes de santé.

- Ca fait beaucoup de poids sur une seule paire d'épaules. Mais elle a l'air solide et de s'accrocher à la vie avec force.

Quand d'autres se seraient simplement laissés partir... mais on avait tous des obligations. Partir signifiait laisser sa place et toutes les taches y étant afiliées à l'un de ses mômes. Quel parent voudrait foutre à un gosse autant de charges sur le dos ? Mmh... j'avais la réponse. Mais la Jarl semblait pas de ceux là.

- Bah écoute, j'suis partant pour partir en vadrouille, à moins qu'tu veuilles rentrer, c'que j'comprendrai aussi. Auquel cas, je te suis si tu connais une bonne adresse ou je pourrai pieuter tranquille jusqu'à demain !

Fallait l'dire: on était quand même bien entamé par le trajet. D'habitude, j'aurais jamais refusé de me ballader en ville mais j'avais mes limites. Surtout que c'était ma première ici, me connaissant, j'aurais encore fini bourré comme un coin à foutre la honte à la dirigeante en me foutant en spectacle. Non, j'allais me pieuter. Visiblement, ça serait le même endroit ou j'allais passer la nuit. C'était chouette: pas besoin d'aller bien loin. Je remerciai Rhyas par un salut militaire et montai dans ce qui allait me faire office de chambre. On pouvait pas dire que ça manquait de confrot. Remarque qui aurait été d'autant plus inutile et débile quand on voyait ce qui me servait de piaule à Dühr (je maintiens qu'il s'agit ni plus ni moins que de mon bordel organisé). Le temps de poser mes sacs et je terminai affalé sur le matelas, dans les bras chaleureux et sexy de cette chère Morphée.

Le réveille fut pas si difficile que ça, pas de mal de crâne, bon acceuil par le tavernier, bonne bouffe. Y'avait pas a dire, ils savaient y faire avec les voyageurs les habitants d'Alserd. J'étais tout beau tout propre et prêt à reprendre ce pourquoi on m'avait envoyé ici. Je remontai tranquillement vers l'entrée qui menait au manoir des Sytha. Cette partie du chemin était relativement simple: franchement, fallait être plus qu'aveugle pour ne pas voir leur barraque à des kilomètres à la ronde. Je me demandais si c'était un truc spécifique de cette famille ou si tous les faryd avaient un penchant pour les construction cyclopéennes de ce type. Moi j'adorais, ça en envyait pleins la gueule. Bon, après fallait réussir à ce retrouver la-dedans. Mais pour ça, j'avais ma guide attitrée.

Elle pouvait remercier le ciel d'être aussi fine la maroufle vu ce qu'elle s'enfilait. M'enfin, dans un sens, elle devait sûrement bouger autant que moi. C'était qu'on avait pas des métier de tout repos. Par contre, je refusai gentillement sa proposition.

- Comme un bébé. Ah, non merci ma belle. Le jour ou je commencerai à tremper du sauciflard dans mon café du matin, faudra que je pense sérieusement à faire surveiller mon choléstérol.

Je lui tapai amicalement l'épaule alors qu'on se dirigeait tranquillement vers la salle du trône. Elle semblait bien remise du voyage de la veille et mangeait avec appétit son morceau de viande séché tout en guidant le vieux vampire derrière elle. Finalement arrivé à bon port, j'entrai après elle, me plaçant devant la Jarl Lira avant de faire les salutations habituelles par la petites révérences que j'avais retenu de mes années de service.

- On ne peut mieux. On peut pas vous retirer le fait qu'vous avez le sens de l'accueil. Elle avait l'air toute gênée la dame. Bon, je savez pas si ça se faisait mais tant pis: Euh... et vous ? Vot' grandeur s'porte bien ?

Elle avait l'air aussi surprise par ma question que je l'étais moi-même pour le coup. Dans un sens, ça me rassurait un peu. En tout cas, elle m'avait pas foutu un vent mais avait répondu. Elle était chouette cette dame. Z'avaient pas la bride serrée sur tout l'protocole et ça me mettait à l'aise dans un sens. Mais bon, ça restait triste de voir quelqu'un dans cet état: politicien ou non, riche comme pauvre. Une belle merde qu'être malade. Surtout qu'elle devait pas avoir beaucoup l'occasion de se reposer.

- Faut moins tirer sur les ficelles, m'dame Lira. Je m'approchai lorsqu'elle m'y avait invité. Je pris la lettre que je rangeai immédiatement en sécurité dans ma sacoche cachée par ma veste et mon écharpe. Pouvez pas tout faire toute seule. Faut apprendre à se détendre sans culpabiliser. J'ajoutai amusé en glissant un clin d'oeil malicieux avant de pointer mon pouce par dessus mon épaule pour indiquer Rhyas. Elle bosse pas assez celle-là. Moi je dis qu'y faut la faire courir un peu plus. Elle va faire du gras sinon, eheheh.

Après les salutations et le retour dans le couloir, je devais me retenir de me fourtre encore un peu plus de ma collègue et de son saucisson (surtout que je voulais pas qu'elle commence à me frapper avec ce machin). Quelques tours et détours pour finalement arriver aux écuries ou ma...

- C'est ma Mânes ça. C'est qu'elle a été sage la bonne fifille. Je lui flattai le flanc, tout gaga de retrouver ma monture. Elle avait le poil brillant et semblait requinquée de son trajet. Z'êtes occupé d'elle comme des pro. Je m'exclamai, plus que satisfait pendant que Rhyas sortait sa bête de compétition à qui je ne manquai pas d'adresser une petite caresse. Bah écoutes ma grande, je selle la bourrique et c'est reparti pour un tour. J'avais dû esquiver le coup de tête de Mânes: soit elle se demandait à qui je m'adressais, soit elle avait pas apprécié la comparaison. Tu vas devoir me supporter encore pendant un moment, alors. Je crois qu'ils ont entamé une bonne conversation nos deux boss.