Les bons comptes font les bons amis.

Une intense lumière bleutée parcourue les lattes qui composaient le pont du navires de Perséphone. Sous les pieds de ses hommes de mains placées juste sur le tracé, les sillons azurés se divisèrent et se rejoignirent pour actionner le portail. Tout le processus se passa avec une rapidité faisant montre de mes compétences en la matière. Je n'avait plus rien à prouver quand à ma maitrise de cette magie et, si j'en tirais une certaine fierté, je m'en amusais  avec une délectation toute authentique. Malheureusement pour moi, seulement deux de ses clampins me rejoignirent de l'autre côté: de retour sur les hauteurs au milieu des vastes étendues de neige blanche et vierge de toute trace de patte. Néanmoins, au vu du nombre de têtes et de pieds criantes et gigotants, mon petit tour de passe-passe avait quand même porté ses fruits. Le jeux était loin d'être terminé, le glas avait sonné pour cette peste et je n'allais pas y passer par 4 chemins. Elle avait eu droit à son quota de faveurs plus que de raison. Lorsque je vis deux paires de jambes remonter à la surface et disparaitre de mon champs de vision, le temps n'était plus à la réflection mais à l'action. Je plaquai mes mains les unes contre les autres avant de les poser d'un geste franc sur le sol faisant virer la douce lueur stellaire en une teinte plus chaude: je refermais le portail. Espérant y aller assez vite pour au moins couper deux trois de ses minions. Ou le cas échéant... en prélever quelques morceaux.

De la chance ? Serait-ce un soupçon de chance qui s'offrait à moi ? Visiblement oui ! Trois de mes gars avaient réussi à remonter pour nous rejoindre sur le pont. Les deux autres avaient eu moins de bol à vrai dire. Ils étaient effectivement avec nous; mais pas entiers. Pas tout à fait. C'était pas des plaies énormes mais assez moches pour qu'ils ne puissent pas bosser pendant un temps. Ca faisait chier, ils allaient couter cher en médoc'. Je restais quelques instants les bras balants, réfléchissant à si je devais les balancer par dessus bord ou quand même tenter de recoller les bouts manquant. J'optais pour le seconde option. Au pire, j'aviserai. C'était ce que je faisais de mieux ou, à défaut, le moins mal.

"Toi ! Vas les foutres en bas et soignes les. Bon, la chimère va se bouger l'cul et faire démarrer ce bâteau de mes deux, bordel ?! On doit vraiment se bouger si on veut pas se faire bouffer par la grognasse blanche."

"Il sait pas manipuler l'engin, Cap'taine. Devriez l'aider."

"On va pas chercher Jerk et Irald ?"

"Ah... ouais... effectivement, ça saigne beaucoup. Ca fait mal si..."

"AÏeuh ! AAAh !"

"Oh l'con. Je vais chercher la serpillère."

"Bon, vous avez pas entendu la boss bande de ramassi de moules crevées ?! A vos postes ! Et que ça saute !"

Dieu merci, y'en avait un pour rattraper cette clique d'incapables. Qu'est-ce que j'avais fait aux dieux pour qu'ils me foutent une équipe de bras cassés de ce niveau ? Au moins, j'avais la possibilité d'affirmer avoir sous mes ordres la plus belle bande d'abrutis de l'histoire de l'humanité. Maintenant, ça soulevait une question qui méritait une réponse quand même: comment, par tous les saints réunis, comment ce faisait-il que j'étais pas déjà six pieds sous terre avec une cervelle aussi ridicule ? Peut-être que j'étais déjà morte. En tout cas, si on décollait pas imméditement, mon heure était sonnée. La vieille lâcherait pas l'affaire tant qu'elle m'aura pas mis le grappin dessus. Et je sais de quoi je cause, j'l'avais déjà vu faire plus d'une fois. Je grimpai sur le pont supérieur pour rejoindre cette chimère qui me rappelai encore davantage mon manque totale d'intelligence. Je devais même atteindre un niveau négatif en terme de neurones. Bref, j'l'ui retirai le gouvernaille des mains (ou des pattes ?) avant de me raviser et de lui refourguer en me plaçant derrière lui, mes mains sur les siennes.

"Cours de dernière minute, alors tu te concentre l'idiot. Lâchez la voile ! On doit prendre de l'altitude ! " Le navire montait doucement, trop doucement ! Mais on pouvait pas faire mieux. Fallait qu'on se tire d'ici. Et vite !

"Déçue" était le terme qui décrivait le mieux le sentiment qui m'habitait en ce moment précis. QUel dommage, mon tour de passe -passe n'avait malheureusement pas eu l'effet escompté. Soit, un mal pour un bien dans les faits. Et puis, les quelques morceaux à mes pieds indiquaient que, finalement, même si il n'y avait pas mort d'homme, certain allaient probablement concerver un bon souvenir et une leçon indélibile de l'expérience. Tout comme les deux imbéciles que je laissai fuir, deux bouches qui serviront mes desseins en comptant l'histoire de la "Dame Blanche". Je haïssais les traitres et profiteurs. Ceux de cette engeance ne méritaient qu'une lente et douloureuse agonie. Mais certains n'avaient pas conscience du mal qu'ils causaient à leurs semblables, d'ou l'importance que j'accordais aux trois appels et à la place toute particulièrement laissée à la discussion, quand celle-ci était possible. On ne pouvait pas dire que Perséphone ai vraiment laissé place à une quelconque forme de dialogue entre-nous. Mais décidément, chaque fois qu'elle devait faire face à ses erreurs, elle avait le don de s'enfuir in extrémis. Il n'y avait qu'en ces occasions qu'elle se réveillait et laissait percevoir ses véritables talents. Mais elle paierait, si ce n'était pas de ma main, ses actions et son comportement l'amèneraient six pieds sous terre, si ce n'était pire. Ce qui était déjà certain, c'était qu'elle n'avait plus sa place sur les terres qui l'avaient vu naître. Elle n'était maintenant plus mon élève mais ma proie. En somme, une vie destinée à fuir sans cesse, à veiller sur ses arrières jusqu'à ce que l'étau se resserre autour d'elle. Un animal effrayé dont l'existence ne dépendait que de mon bon vouloir.