Une bonne leçon

Je me souviens de ce combat, et même très bien ; ça faisait déjà un moment que je m'entraînais avec Erwin, alors tu penses bien qu'une parade ou même une esquive devant une pareille débutante, je pouvais pas me rater. Bien sûr.

Erwin rôde, une fois qu'on s'est placés, bien sages, l'un en face de l'autre … j'ai dit sages ? Vraiment ? Ce n'est pas tout à fait le cas de Hylia, qui a la langue bien pendue et la critique toujours facile ; c'est à peine si, concentré comme je le suis, j'arrive à entendre autre chose qu'un babillage d'oiseau moqueur. Mais je vois par contre très bien la belle bourrade que notre professeur vient coller à l'autre harpie, et ça mérite bien que je m'en fende d'un sourire, plus avide que jamais à l'idée d'en découdre. Ça, il le remarque bien, le Krieger : il nous fait la liste de ses dernières directives et j'ai le droit d'être moi aussi un peu bousculé jusqu'à ce que je sois plus souple, pour pas aller me casser dès que j'aurai à tomber. J'écoute, sans lâcher mon adversaire des yeux … au point que j'en rate bien la moitié quand le bousier s'est lancé ; j'oublie qu'il faut esquiver, et par réflexe j'essaie de parer : une première dague est arrêtée, glisse le long de mon sabre avant d'être détournée ; j'essaie d'agripper son bras gauche, pour la faire pencher en avant vers un genoux que j'arrête à temps … ce qui ne me donne que l'air d'un flamand rose un peu con, en plein élan et pas loin de me vautrer dans la boue, cette chère Hylia sur moi.

Tout piteux, et dans une position peu ergonomique, je lève des yeux pas très fiers vers Erwin … quand bien même je tente un petit sourire plutôt biscornu :

« J'ai raté, m'sieur. »

Et pas qu'un peu.

Je devais bien avouer que je m'attendais à mieux quand même venant du gnome. Pour le coup, si il avait eu l'air concentré comme jamais pendant le dirscours et les ordres du mercenaire, il s'était soit complétement mélangé les pinceaux dans les gestes à accomplir soit il en était encore à vouloir terminer ses petits pas de danse commencés précédement. J'optais presque davantage pour la seconde option parce que...


A deux doigts, j'avais été à doigts deux à peine de rencontrer son genou et j'avais pas souvenir que ça faisait parti des directives de monsieur Krieger de m'exploser les dents. Je tentai de me redresser doucement pour me remettre en position, l'entrainement était loin d'être terminé dans les faits. Mais avant de terminer à m'installer, je pointai un index accusateur vers le petit crétin blond, un peu vexée quand même.

- J''crois qu'tout le monde à remarqué, gamin.

Je réprimai un sourire mais mon ton de voix devait trahir mon amusement. N'empêche que j'étais quand même un peu abassourdi par tant de compétences artistiques. On pouvait pas dire qu'il était doué en combat ou en esquive en cet instant mais il ne manquait pas de grâce. Et n'allez pas lui retirer ses talents d'équilibriste.

- Redresse-toi, Ghiaccio, on reprend position les morpions. Et arrête de te plaindre Hylia. Ca vous prouve à tous les deux qu'un combat se passe rarement aussi bien qu'on le voudrait. Vous avez au moins su vous arrêter à temps. Voyons au moins un aspect positif à la belle merde que vous venez de me faire. Je me passai une main sur le visage et dans la barbe. Fallait bien montrer que c'était pas vraiment ça que j'attendais d'eux. Faudrait te réveiller rapidement Dante, en 2 ans tu devrais avoir maitrisé les actions simples de ce genre. Si vous êtes pas foutu de passer outre vos erreurs et de vous remettre direct au boulot, retournez chez vos mères et devenez bardes ou couturiers mais faites pas chier les soldats.

J'avais repris mon petit tour autour des gosses. Ce genre de discours me frisait les poils de nez mais fallait bien recadrer les mômes. Je prendrais pas mon temps pour leur apprendre ce que je savais et j'en perdrais pas encore davantage à les rabaisser si j'avais pas placé quelques espoirs en ces deux p'tits cons.

- On se remet comme y faut. Et on se concentre. Je m'arrêtai de nouveaux entre les deux, portant mon regard sur Dante puis sur Hylia. Le contraire maintenant: t'attaque, elle esquive. Si ça marche pas du premier coup, on recommence jusqu'à ce que ça rentre dans vos cervelles. Chacun son tour. Je reculai d'un pas, les bras croisés. On le fera toute la nuit s'il le faut. Je veux pas entendre un seul chouinements.

Mes réflexes et exploits de bagarreur en herbe me valent un ridicule bien mérité … mais pas moins blessant. J'aurais bien voulu répliquer aux petites piques lancées par l'aspirante, mais mes lèvres sont scellées et j'ai bien dû changer de couleur jusque sur le cuir chevelu : s'il avait plu, là maintenant, l'eau se serait évaporée avant même de me toucher. Je lâche ma camarade sans plus de cérémonie, toujours bien pataud et tout autant dépité devant cette démonstration d'imbécillité. Sous les directives de Krieger, il n'y a pas la place pour les mômes capricieux : je range toute ma déception et toute ma honte dans un coin de ma tête, je reste muet et reprends ma place, sans chouiner mais juste assez vexé pour ne pas avoir quelque chose à ajouter, même avec humour, aux interdictions que le mercenaire mentionne. Les sourcils bien froncés, mes pieds solidement campés, je fais tout pour être plus concentré, au point que je suis presque tenté de tenir ma garde à deux mains quand je tiens paré à attaquer.

Après un temps de silence, sabre en main, j'entame un mouvement bas ; j'essaie par sécurité d'interrompre mon geste sur le plat de la lame, quitte à devoir freiner sur la fin.

On avait repris position, les yeux dans les yeux, Dante et moi-même faisant de notre mieux pour concerver notre sérieux et ne rien lâcher pour l'exercice qui nous attendait. En attendant de reprendre, on n'échappait pas aux sermons du mercenaire. Sermons qui étaient mérités. On ne pouvait pas dire que le Ghiaccio l'avait fait exprès mais l'exercice était basique et plutôt simple. Quand à moi... je devais apprendre à me la fermer au lieu de geindre comme une crétine. Je devais aussi impérativement commencer à me concentrer davantage si je voulais arrêter de patauger dans la semoule et m'améliorer. A force de rester coincée dans mes pensées tout en fixant Dante dans le blanc des yeux, j'en avais oublié que le temps ne se mettait pas en pause. Ce fut quand le blanc des yeux de l'adversaire sembla se rapprocher dangereusement que je compris que l'entrainement avait repris... sans moi. La suprise m'en fit perdre mes spaghetti: et littéralement ! Je gigotai les mains devant moi.


Bah... lui l'était visiblement. Sans vraiment le vouloir, ou pour l'arrêter, ou pour l'esquiver, ou tout simplement parce que j'étais un peu débile quand je prenais pas le temps de me poser et de bien réfléchir à mes actions, je cristallisai la terre humide sous nos pieds. Ca plus la tentative déséspérée d'esquive de ma part et vous obtenez une Hylia glissant en arrière, se penchant en avant, attrapant un nabot par le col de la chemise pour se stabiliser avant que les deux jambes, dans une synchronisation parfaitement millimétrée, partent vers l'avant me faisant tomber sur le cul.

Je me grattai le bout du nez, songeur. J'étais un peu perplexe. Un peu perplexe et un peu dépité aussi. Je pensai être un bon prof à la base mais là je me demandais sérieusement si y'avait pas une couille dans l'potage. Auquel cas elle devait être vraiment énorme.

- Dites-moi qu'vous m'faites une blague. Je me passai une main dans les cheveux. Aïe-aïe-aïe... Putain d'bordel de nom de... J'suis pas payé pour ces conneries. Une seconde. J'suis même pas payé pour ces conneries ! Je donnais un coup de pied dans la boue. Même pas de quoi m'acheter de quoi oublier vos performances. Je m'approchai d'eux pour les chopper au col et les relever. Debout, derechef ! Vous pouvez pas vous débrouiller tous les deux comme des grands ? On va faire comme avec les gosses. P'pa va montrer. En priant pour que ça vous rentre dans le crâne une bonne fois pour toute. Hylia, Faut vraiment qu'tu te sortes les doigts du cul ma grande. Tu vas regarder les gestes à faire et on les applique juste après. Ghiaccio, si on oublie le pas de danseur que tu nous as fait, j'ose croire que les deux années de formations te sont pas sorties du ciboulots en une nuit. On va faire la même. Mets-toi en position, j'vais faire l'adversaire. Et on se réveille nom d'un chien ! Je prenais place, attendant qu'il en fasse de même et en vérifiant que la gamine soit à l'écoute. Putain... l'adolescence... Je plongeai mon regard dans celui de Dante, un sourire en coin. Prêt ? J'attaque ! Ni une, ni deux, je ne lui laissai que quelques secondes pour parer. Si fallait les brusquer pour leur incruster le savoir dans la peau: autant que ça soit par mes soins.

Je n'ai aucune idée de comment les choses se sont goupillées ; je me souviens avoir freiné, dérapé et puis glissé, comme si le sol avait changé pour le parquet le mieux lustré de tout le pourtour oziréen ; ce n'est pas la seule idée qui me vient, et la suivante consiste peu ou prou en  une potentielle réorientation en tant que danseuse qui me promet un grand et brillant avenir si je suis à ce point capable de tourner à ce point su moi-même en si peu de temps. Les deux crétins s'empilent bien sagement devant Erv, qui doit vraiment se demander ce qu'il a fait aux bons dieux et avec la femme duquel il s'est fait surprendre pour qu'il lui en veuille à ce point ; moi sur le dos du bousier qui pépie furieusement alors que je profite un peu douloureusement des pointes naissantes le long de sa colonne. Par le biais de cette acupuncture sauvage, je découvre des parties de mon anatomie dont j'ignorais la sensibilité voire même l'existence jusqu'à présent, et je suis bien trop heureux d'être décroché de là par le col pour me retrouver à compter mes bleus … même s'il va de soi que je ferais payer chacun de ceux que Hylia m'a infligé, à n'en pas douter. J'ai à peine le temps de le songer que voilà déjà Krieger lancé ; et c'est peut-être parce que je me retrouve devant lui comme un chat effrayé devant le galop d'un cheval de trait que les leçons passées me font l'éviter, les yeux écarquillés, et décamper assez loin pour être en sécurité ; je tiens ma lame en garde, parée à répliquer, et ce n'est qu'une fois que j'ai fini de comprendre ce qui vient d'arriver que je commence à me marrer. C'est plus par nervosité que par réelle fierté, mais je ne vais pas faire le plaisir à la greluche toute voilée de trouver matière à se moquer de moi. Encore moins après ce que je crois être une réussite.

« Ah … Ah-ha ! Facile ! Les mains liées, les doigts dans le nez. Je t'attends encore. »

A peine menacé que le nabot s'était relevé, d'une façon très bizarre d'ailleurs, j'avais presque l'impression qu'il utilisait même pas ses jambes pour le coup. Et visiblement mes impressions étaient justes vu qu'à peine deux secondes plus tard je me faisais moi-même soulever par le col et remettre sur les deux pieds. Ne rien dire, se taire et écouter le mercenaire qui devait en avoir plus que ras-le-bol de nos pitreries. Le prof m'envoya sur le côté pour observer. Je savais que j'étais pas bien douée mais bon... je me mis un peu à l'écart de manière à avoir une bonne vision de la scène, histoire qu'en effet les gestes à accomplir me rentre dans le crâne. Fallait que je m'y mette sérieusement, quand bien même le modèle réduit de pseudo bonhomme sur lequel j'allais devoir prendre exemple me ressortait par les narines. Les bras croisés et l'air boudeur en réponse aux remarques piquantes mais non dénuées de sens de monsieur Krieger, j'observais, attentive. Aaaah... l'adolescence, effectivement, une période bien compliquée que j'aimerai chasser de mon existence.

L'avorton avait à peine eu le temps de se remettre en position qu'il subit une attaque d'Erwin de pleins fouet. Si je m'attendais pas à ça, ça devait être encore plus flippant de son point vu: parce qu'il fonçait sans hésiter le Krieger ! Fallait le voir pour se dire qu'il valait mieux écouter que de se prendre un coup de pied dans le derrière. Et là... on va mettre ça sur le compte de l'adolescence, s'il vous plait. Mais cette esquive... Cette esquive ! Raconter l'image avec des yeux de gamine avait comme particularité de rajouter quelques détails n'ayant surement pas eu lieu au moment des faits: sons, paillettes, mouvements de cheveux dans le vent par exemple. Aujourd'hui je dirais seulement qu'il a eu chaud au derche et a probablement dû changer de futale après la leçon. Mais à l'époque j'aurais plutôt dit:

«Hohoho... Wowh. T'en a d'autres des talents cachés ? »

J'avais pas hésité à tenter de la surprendre le gosse. En même temps, y'avait que la bonne vieille méthode pour réveiller les troupes dissidentes ! Bon, j'y allais encore au niveau "entrainement", je voulais pas rendre les gamins en morceaux à leurs vieux. J'aurais été dans la merde. Surtout avec le Ghiaccio d'ailleurs. Quoi que ça aurai pu être marrant dans les faits. M'enfin, revenons à nos moutons parce que, effectivement, si je voulais secouer mes élèves en y allant plus à la dur, je crois que j'avais mis le doigt sur le bon filon. Et pas qu'un peu. A peine arrivé à hauteur du morveux en train de baisser mon arme qu'il nous faisait une esquive à la hauteur de mes attentes, si ce n'était plus. Tout cela avant de reprendre position, non sans se vanter au passage. Mais ce dernier point me gênait pas, au contraire, fallait pas se laisser déconcentrer, ne pas montrer sa peur (même si sa voix de castra tremblotait légèrement). Je reprenais moi-même ma posture, tournant autour du gamin, la lame à l'horizontale au niveau du buste. Bien entendu, je pouvais pas cacher le sourire de fierté qui me titillait les comissures.

- Mortecouille ! Bah voilà c'que j'attends d'puis tout à l'heure, bon dieu ! Fallait l'dire si tu voulais t'frotter au mercenaire, gamin. Encore une esquive de ce genre et c'est toi qui va devoir me donner cours, fillot. Je continuais mes petits tour sans cesser de le regarder dans les yeux. Je devais bien avouer que je m'amusais un peu quand même. Allez, ton tour ! N'y vas pas de main morte ou j'me vexe ! Montre à la donzelle comment se débrouille les pro. Et toi profite du spectacle parce que c'est ton tour après. Je terminais en m'adressant à la petiote.

J'en ai les bras ballants : vraiment ? C'était si bon que ça ce que j'ai fait ? Je suis comme deux ronds de flan à faire passer mes yeux de l'un à l'autre, avec l'air d'un con … ou au moins celui d'un abruti fini pas si fini que ça. Mon petit neurone grille très fort en cet instant où, quand soudain je reviens à moi, je m'adonne à toutes les courbettes que les yeux ronds d'Hylia me le permettent. Mais aux mots d'Erwin, c'est pas la même : je singe l'outrage, une main sur la bouche et m'exclame :

« Oh mais je vous savais pas comme ça, m'sieur Erv ! Vieux fou, brigand, faire ainsi à deux enfants votre rentre-dedans. Ce sans même leur payer une pinte ; vous n'avez aucune manière. Quelle déception ! »

Et c'est ainsi que je me retrouve à charger pour venger mon honneur de la sorte bafoué.

Le Ghiaccio avait une tête tellement énorme et des chevilles si enflées que ça serait sûrement les deux seules choses de Féia qui survraient à une apocalypse. Magnifique image d'un peuple disparu offert aux générations futures et autres espèces venues d'ailleurs. J'avais été surprise par sa performance, même si je continu encore maintenant à clâmer haut et fort que c'était uniquement dû à un coup de chance et non à un quelconque talent. N'empêche, qu'il se considérait maintenant comme le professionnel des professionnels. Et le prof était pas là pour atténuer se sentiment. Mais la scène était marrante. Les gars étaient décidément tous les même. Au moins un similitude entre tous les peuples et toutes les races.
Dante avait vu mon regard abasourdi et n'avait pas loupé l'occasion de se taper l'affiche encore un peu, histoire d'élever encore un peu plus son ego surdimenssioné. C'était à mourir de rire. Il se pavanait, multipliait les courbettes et les poses. Et moi ? Je l'imitais, exagérant à peine ses expressions pompeuses.

Il en manquait pas une l'avorton. Mais ça devenait enfin un peu plus interéssant. Il commençait progressivement à prendre la main avec les entrainements que je lui donnais. En même temps, on pouvait pas dire qu'il tentait pas d'y mettre du sien. Malheureusement, si il aurait pu tailler sa place parmis une clique de mômes de son âge et de sa taille, là, il était face à un vertuose en la matière ! En posture défensive, lame devant le buste, je plantais mes yeux dans ceux du gamin qui n'attendit pas une seconde pour s'élancer dans ma direction. Je souris.

- Beaucoup-

Avant même qu'il abatte son arme, j'esquissais un pas de côté, faisant un demi-tour rapide me faisant passer derrière le Ghiaccio.

- -trop-

D'un geste vif et calculé, je profitai d'être hors de son champs de vision pour le déséquilibrer en le poussant dans le dos à l'aide de mon pied. Utilisons le décors à mon avantage: la plaque de glace tracée par Hylia n'avait peut-être pas tout à fait fondue.

- -prévisible.

J'aurais bien aimé répliquer encore une fois à cette gentille gourde d'Hylia, le souci, c'est que j'ouvre à peine la bouche qu'elle se retrouve toute bée quand le grand Erv s'esquive plus vite qu'une anguille, et tout ce qu'il en sort au final, c'est un hoquet paniqué quand mes pieds commencent à glisser, incapables de s'accrocher comme ils le faisaient à la boue grasse. C'est comme si le temps avait ralenti : je glisse, je cherche une accroche ; le coup que j'ai eu dans le dos m'envoie valser, tourner. J'essaie de l'agripper, sans trop savoir ce que je fais. Je tombe.

« Parjure, » c'est tout ce que j'arrive à dire avant de chuter, dans un murmure un peu vexé.

«Ca perd en prestige.»

Rien de plus, rien de moins. C'était les faits et malheureusement et comme toujours: la réalité venait nous rattraper au grand galot. Mais je devais bien avouer une chose: c'était drôle. Y'avait de ça mais les deux guignols paraissaient quand même s'amuser à se bastonner et moi je prenais plaisir à regarder... adolescence touçatouça, j'en passe et des meilleurs, ENFIN BREF.

« Tu verras Dante, la boue, c'est magique pour la peau.»

J'allais sûrment pas louper la remarque singlante qui allait s'en suivre, mais bon, on s'habituait à force, c'était un jeu commencé depuis pas mal de temps entre nous deux. Je passai mes mains dans les cheveux, les attachant avec un ruban et je rectifiai mes chaussures. Tout ça avant d'aller vers eux et d'inviter le Ghiaccio à gentillement se dégager du combat et de l'arène.

« Vais te montrer comment font les véritables professionnels, l'nabot. Va crier au scandale sur le côté, avec les enfants. »

- Hylia, respect de ses camarades. Quand bien même la chute était mémorable.

Je pouvais pas empêcher ma voix de trahir mon amusement. En même temps, il avait eu cette manière si comique et à la fois un peu triste de chercher à s'accorcher à quelque chose: le dernier espoir avant la chute.

- Reste pas le cul dans la boue, gamin. Je lui tendais la main pour l'aider à se relever et à s'extirper de l'amas gluant et trempé. Ca viendra avec le temps. Mais laisse le parjure profiter un peu du fait qu'il est encore plus doué que l'élève. Quand t'auras mon âge moi j's'rais déjà un vieux pilier de bar et là, crois en l'expérience, t'auras pas mal d'occaz pour te foutre de ma gueule. Je rigolais avant de reprendre mon sérieux d'un coup en levant un sourcil. Mais si tu fais ça je t'en foutrai une quand même, non mais. J'invitai (ou plutôt laissai) la gosse prendre la place qu'occupait le p'tit Ghiaccio juste avant. Prends position. Ce que je fis moi-même. On va voir si t'as un quelconque talent à part celui d'avoir une grande gueule, la maroufle. Je m'élançai, Esquives !

« Le respect est mort, M'sieur Erv : je suis enterré avec, » je réponds depuis mon petit tumulus fangeux, peu confortablement allongé dedans, les bras toujours tendus vers le ciel et les poings fermés sur la seule chose que je suis parvenu à attraper : du vent. C'est à peine si le mercenaire m'a senti passer ; je doute même qu'il ait remarqué ma tentative de le faire tomber avec moi. On atteint un tel niveau de professionnalisme qu'il parvient même à esquiver sans en avoir conscience des attaques qui le visent, le barbu ! Ça ou alors c'est moi qui atteins des bas-fonds insondables de maladresse dignes d'un handicap moteur. Sans trop chercher à comprendre ma position qui fait une superbe illustration à l'expression se retrouver les quatre fers en l'air, Krieger me saisi par la main et m'extirpe du sol sans un bruit de succion qui va sûrement faire carburer pendant longtemps l'inspiration de ma vile comparse.

Me voici donc à la place qu'elle occupait juste avant moi, et inversement ; même dans l'état où je suis, plus détrempé que ne le seraient les dessous de mon ami le bousier après avoir maté les guerriers à l'entraînement, je fais un bon public.

« Dans-la-boue ! Dans-la-boue ! Dans-la-boue ! » que je scande toujours plus vite et plus haut pour accompagner la bataille qui va suivre.